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Strategic Equity Transactions

26 juin 2020 No Comments

Cousin de l’ECM, l’activité Strategic Equity Transactions, qui propose des dérivés actions aux corporates et aux grands actionnaires, est pourtant bien moins connue. L’invité d’aujourd’hui vous dévoile les secrets de ce mystérieux métier. Excellente lecture !

Bonjour et merci d’avoir accepté l’interview ! Quel est votre parcours ?

Après une classe préparatoire, j’ai intégré une école de commerce parisienne pour me spécialiser ensuite en finance. J’ai fait plusieurs stages dans le secteur avant d’arriver en Strategic Equity Transactions.

Présentation du Strategic Equity Transactions

En quoi consiste l’activité Strategic Equity Transactions ?

L’activité Strategic Equity Transactions (SET) consiste à fournir des solutions d’ingénierie financière sur actions cotées :

Financement adossé à des actions

Un financement adossé à des actions cotées liquides pour les holdings ou les family offices. Ces actions cotées jouent le rôle de garantie, la banque a un coussin de sécurité : par exemple, pour 100 de financement, elle va demander 120 en garantie. En cas de baisse du cours de bourse en-dessous d’un certain niveau, il y aura un appel de marge : le client doit mettre des actions (ou du cash) supplémentaires en collatéral. C’est une solution très utilisée par des actionnaires de référence familiaux de sociétés du CAC40. Les banques privées peuvent aussi proposer ce type de financement (ce qu’on appelle communément le « crédit lombard »), en général, avec un suivi du LTV (« Loan-to-value » : le montant du prêt face au collatéral) et une documentation juridique plus souples pour le client et donc sur des montants inférieurs à ce qu’une équipe SET peut proposer.

Les produits dérivés

Nous pouvons également proposer des opérations impliquant l’utilisation de produits dérivés. Les clients peuvent être à la fois des investisseurs, qui souhaitent optimiser une participation existante (couverture, cession optimisée) voire constituer une nouvelle participation, ou des corporates qui souhaitent gérer leur dilution (rachat d’actions, couverture de stock options pour les dirigeants, émissions equity-linked pour lesquelles nous travaillons avec les équipes ECM).

Les options traitées sont relativement simples mais les montants notionnels sur une seule action sont assez élevés (parfois plusieurs centaines de millions d’euros de notionnel), ce qui nous distingue d’une salle de marché de dérivés actions « flux ».

Quelle est la différence avec une équipe ECM classique ?

Le métier ECM est un métier de conseil et d’accompagnement sur des sujets dits « primaires » (IPO, equity-linked, takeover). A l’inverse, nous intervenons quasi-exclusivement sur le marché secondaire où nos clients achètent et vendent des titres déjà émis sans impact pour le bilan de l’émetteur (à l’exception notable des rachats d’actions et de l’actionnariat salarié).

Les opérations que nous faisons sont également privées la plupart du temps. Nous traitons de gré à gré avec un client, il n’y a pas de tiers qui intervient, les opérations restent confidentielles (hormis les déclarations réglementaires le cas échéant).

Hormis les opérations de placement garanti, le bilan de la banque est relativement peu engagé par l’ECM : à l’inverse, le fait de gérer des positions sur options, et d’autant plus que nous sommes généralement vendeurs d’options (situation dite « short volatilité »), implique de gérer le risque de marché, en particulier la volatilité. Nos activités de financement nous exposent aussi à un risque de crédit.

Quels produits ou stratégies proposez-vous ?

Notre travail consiste à identifier les besoins de nos clients et à proposer une solution sur mesure qui tient compte de leurs objectifs financiers et de communication au marché. Nous prenons aussi en compte les dimensions réglementaire, comptable, fiscale et juridique dans chaque opération.

Une stratégie que nous proposons régulièrement est le collar : un client achète un put à la banque et vend un call à la banque. C’est très souvent utilisé pour se renforcer au capital (l’Etat français dans Renault en 2015 par exemple). La banque doit alors se couvrir en delta-neutre et shorter des actions : elle emprunte des actions dans le marché et les cède à son client directement. Ainsi le client se renforce directement face à la banque avec une intervention dans le marché limitée et est couvert grâce au collar mis en place.

L’intérêt réside donc dans la rapidité et la discrétion des transactions. Monter au capital d’une entreprise peut prendre un certain temps pour le client s’il souhaite achète directement dans le marché. Une pression acheteuse trop importante fait augmenter le cours (l’Etat néerlandais dans Air France – KLM début 2019) et renchérit le coût de l’opération pour l’investisseur.

Comment se passe l’origination d’une transaction ?

Comme en M&A, il y des pitchs pour la phase marketing. Nous identifions des opportunités et les présentons aux clients. Si par exemple nous voyons qu’un family office possède une participation d’une entreprise qu’il souhaite céder, nous pouvons lui proposer nos services : des dérivés peuvent être un complément à une solution de cession ECM par exemple. Des blocs d’actions significatifs qui sont cédés via un Accelerated Bookbuilding (ABB) subissent une décote de quelques pourcents. Il est alors possible de panacher des solutions ECM et SET pour optimiser cette cession.

Certaines entreprises ou family offices de la place parisienne sont réputés pour utiliser régulièrement des produits dérivés. La plupart des entités que nous pitchons sont des clients que nous connaissons déjà. Une banque française a la capacité de parler facilement à presque toutes les entreprises du CAC 40 car elle est déjà en relation d’affaires sur un grand ensemble de lignes métier : il est plus facile de présenter nos idées avec ces clients bien connus ou d’avoir accès au top management sur des situations « stratégiques ».

Cela reste un métier très commercial. Comme dans tout métier bancaire, le client peut préférer une autre stratégie ou un concurrent peut proposer un meilleur prix. De nombreux facteurs rentrent en jeu, même si la proximité relationnelle joue énormément. Gagner un mandat avec un client suisse sans s’appeler Credit Suisse ou UBS peut être assez compliqué par exemple. Ce n’est pas propre à l’activité ; c’est le monde de la finance qui fonctionne comme ça.

Comment se rémunère une équipe ?

Le financement adossé aux actions

Lorsque nous proposons un financement adossé à des actions, la rémunération se fera comme un crédit classique, c’est-à-dire sur un spread qui tient notamment compte de la qualité de crédit du client. Il y a également des fees upfront, c’est-à-dire payé directement au début de la transaction (commission de structuration). Le financement étant adossé à des actions, ces dernières jouent le rôle de garantie et diminuent ainsi le risque de crédit : c’est l’intérêt pour nos clients, ils obtiennent en général des conditions de financement plus favorables qu’en financement « en blanc ».

Les options

La rémunération est différente pour les options. Elle est liée à la volatilité : lorsque tu vends une option, tu émets une hypothèse sur la volatilité du sous-jacent pendant la durée de vie de l’opération. Plus l’option est volatile, plus elle vaut cher, toutes choses égales par ailleurs. La volatilité est un déterminant important de la prime initiale que le client va payer.

Il existe un marché d’options et leurs prix sur le marché reflètent la volatilité implicite, c’est-à-dire celle attendue par le marché : du prix d’une option listée, il est possible d’en déterminer la volatilité implicite. A partir du modèle Black-Scholes par exemple, on cherche le niveau de volatilité qui nous donne un prix égal à celui du prix de marché. Cette volatilité implicite donnée par le marché est une information, parmi d’autres, qui aide le trader dans son pricing.

Finalement, le gain ou la perte dépend de la volatilité effectivement mesurée pendant la durée de vie de l’option. Lorsqu’on est vendeur d’options, on espère une volatilité réalisée inférieure à la volatilité implicite utilisée pour pricer l’option vendue au client.

Appétence aux risques et synergies

En plus d’avoir une aversion aux risques différente, les banques peuvent également avoir des synergies entre les différents produits. Un client d’une banque peut avoir une position dans un sens tandis qu’un autre client de cette même banque a une position opposée : ce sont des éléments qui interviennent dans la capacité d’une banque à proposer un prix compétitif.

Panorama de l’Equity Strategic Transactions

Quels sont les grands acteurs à Paris ?

Lorsque nos clients sont des actionnaires de référence familiaux, il faut une grande proximité relationnelle et commerciale. A Paris, beaucoup de holdings et de family offices vont donc faire appel aux banques françaises à cause de cette proximité. Historiquement, les banques françaises (BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole, Natixis) financent toutes les grandes entreprises. Ces dernières vont donc être enclines à faire des dérivés avec les banques françaises.

Il peut être judicieux, en termes de connaissance du marché et des enjeux, pour un investisseur étranger de parler au bureau local d’une banque française pour mettre en place un dérivé sur le marché français par exemple. Un potentiel client asiatique pourra très bien contacter le bureau de Singapour, Shanghai ou Tokyo d’une banque française pour réaliser une opération en Europe ou en France.

Quelles expériences et qualités sont recherchées pour effectuer un stage dans ce milieu ?

C’est un métier qui valorise les profils avec plusieurs casquettes. Tu peux très bien t’occuper un jour de problématiques comptables et le lendemain travailler sur des sujets de finance de marché. J’ai constaté qu’il y a beaucoup d’ingénieurs car cela reste un métier assez quantitatif. On peut toutefois tout à fait travailler en Strategic Equity Transactions en venant d’une école de commerce.

En termes d’expérience professionnelle, passer par un stage en M&A ou en Private Equity est intéressant et vous permettra d’acquérir une certaine rigueur. C’est très utile. Cela dit, ça ne te donne pas un avantage indéniable. Je conseille d’aller faire un tour en salle de marchés, en tant que trader ou sales. Cela te permet de comprendre la gestion du risque ou le pricing des options, ce qu’on ne voit pas en finance d’entreprise.

Je tiens aussi à préciser que la hiérarchie, même si elle est présente, est moins pesante qu’en M&A ou Private Equity. Je suis par exemple en contact avec les clients : après 1 an dans l’équipe, j’ai eu l’occasion de parler directement avec des clients. Ça ne se voit pas en M&A.

Quid des horaires ?

C’est un avantage du métier. Ce sont des horaires proches des autres métiers de finance de marché : à 19h30 ou 20h tu finis ta journée sauf dossier urgent. Ta vie privée est préservée.

A quelle fourchette de salaire peut-on s’attendre ?

C’est variable selon les écoles et les banques. Avec un fixe et un variable qui peut atteindre assez vite la moitié du fixe. C’est toutefois dur de tirer de grandes règles sur le variable, c’est un métier assez confidentiel avec de petites équipes et peu de juniors.

Un petit mot sur les écoles. Toutes les écoles sont représentées, il n’y a pas d’obstacle particulier. De ce point de vue là, c’est moins élitiste que le M&A.

Quelles sont les grandes étapes d’une transaction ?

Le process est assez similaire que ce soit pour un financement adossé à des actions ou une opération avec des dérivés.

Analyse préliminaire

Sur un financement, il y a une première phase préliminaire. Tu dois d’abord regarder la qualité de crédit de ta contrepartie et le collatéral qu’il va fournir à la banque. Le collatéral sera saisi si le financement n’est pas remboursé. On va donc analyser l’action adossée à ce financement : montant, liquidité, volatilité, domaine d’activité… Et sur la qualité de l’emprunteur : solvabilité, actifs détenus, autres financements en cours, collatéraux déjà existants sur les actions …

Montant du financement

Nous allons ensuite proposer un coût de financement en fonction du risque et de la marge souhaitée ainsi qu’un ratio Loan To Value (LTV), c’est-à-dire la valeur du prêt par rapport à la valeur de l’actif. Un ratio de 75% voudrait dire que pour une valeur d’actions de 100 millions d’euros, nous leur prêterons 75 millions d’euros. Plus ce ratio est élevé et plus l’emprunteur est de qualité. Si la valeur des actions baisse, le ratio va mécaniquement monter. L’emprunteur devra, à partir d’un certain ratio LTV, mettre d’autres actions ou du cash en collatéral pour restaurer le ratio.

Structuration juridique

Une fois que nous avons négocié ces aspects avec le client, nous passons en comité de crédit. Nous devons convaincre en interne que l’opération est intéressante pour la banque et les risques maîtrisés. Une fois l’accord obtenu, nous prévenons le client et nous attaquons la documentation juridique.

Conclusion

Le processus de négociation est itératif, il y a des allers-retours entre le client, la banque et les avocats de chaque partie. Cela peut aller de quelques jours à plusieurs mois en fonction des montants et de la complexité de la situation.

L’après Strategic Equity Transaction

Quels sont les débouchés ?

C’est un métier où les gens restent longtemps. J’ai déjà vu des banquiers dans le métier depuis 10 ou 15 ans ! Tu peux également partir chez un client dans une direction financière. Ils aiment ce genre de profils. J’en ai vu plusieurs autour de moi. Le métier est toutefois méconnu, il peut donc être plus compliqué d’expliquer son expérience à des recruteurs en dehors du secteur bancaire.

Qu’aimes-tu dans ton métier ?

J’aime la diversité des situations et être proche de l’actualité. Les missions sont également variées. Tu vas aussi bien toucher au juridique qu’à la finance de marché ou à la comptabilité par exemple. Dernier point, j’aime beaucoup l’aspect stratégique de mon métier. Nous opérons sur de potentielles transactions touchant au capital de grandes entreprises.

Merci pour cette interview !

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