Le Petit Analyste vous présente aujourd’hui l’activité Flex Equity & Mezzanine, avec l’interview d’un Managing Director et d’un Principal. Excellente lecture !
Bonjour et merci d’avoir accepté l’interview ! Quels sont vos parcours ?
Managing Director : Originaire de Colombie, j’ai posé mes valises en France il y a une vingtaine d’années. À la suite d’un Master en finance, j’ai débuté ma carrière en 2010 chez New Alpha Asset Management, à une époque où le secteur du non coté commençait à émerger en France. Par la suite, j’ai intégré Swen Capital Partners, alors filiale du groupe OFI Invest Asset Management. Nous étions une petite équipe d’à peine cinq ou six personnes et avons démarré par le développement de l’activité fonds de fonds. Ce domaine était encore méconnu à l’époque, y compris pour moi ! (rires)
J’ai eu la chance de travailler avec une équipe exceptionnelle et de me spécialiser dans une classe d’actifs en pleine expansion. En 2013, nous avons lancé l’activité Mezzanine avant d’élargir nos expertises, notamment en Venture Capital et en Infrastructure, avec un focus sur des secteurs stratégiques comme l’hydrogène et le biométhane. En parallèle de mes fonctions, j’ai obtenu les trois niveaux du CFA et décroché un Executive MBA à HEC en 2017.
Principal : Après un baccalauréat, j’ai rejoint une classe préparatoire avant d’intégrer une école de commerce. J’ai eu plusieurs expériences en finance d’entreprise, notamment en Private Equity, Leveraged Finance et Private Debt, avant de commencer ma carrière en Debt Advisory à Paris. Après quelques années, j’ai rejoint Swen Capital Partners.
Présentation des activités Mezzanine et Flex Equity
En quoi consiste ces deux activités ?
Principal : La mezzanine est une solution de financement par la dette, tandis que le Flex Equity se rapproche davantage d’un investissement en fonds propres. Concrètement, dans le cadre d’une opération en Flex Equity de dix millions d’euros, la structuration typique consiste à proposer huit millions d’euros sous forme de dette, via des obligations à bons de souscription en action (OBSA), et deux millions en equity, sous forme d’actions de préférence ou d’actions ordinaires.
Ce type de financement présente plusieurs atouts. Il est d’abord moins dilutif qu’un apport en capital classique par un nouvel investisseur, qu’il soit minoritaire ou non. Sa flexibilité constitue un autre avantage clé : en ajustant en amont la répartition entre dette et capitaux propres, ces opérations s’adaptent à une large variété de transactions. Elles permettent ainsi de financer la sortie d’un actionnaire majoritaire, une prise de contrôle par l’équipe dirigeante, l’acquisition de nouvelles sociétés ou encore le rachat de participations minoritaires.
Managing Director : Chez Swen Capital Partners, les activités Mezzanine et Flex Equity sont réunies au sein d’une même équipe. Lorsque nous avons lancé notre activité en 2010, aucun fonds de Flex Equity n’existait encore sur la place parisienne. En revanche, quelques acteurs spécialisés en Mezzanine, comme EMZ Partners et Capza, étaient présents. Ils intervenaient principalement dans le financement des opérations de LBO, là où les banques d’investissement proposaient des structures avec un levier plus modéré.
L’année 2013 marque un tournant avec l’essor de la dette privée et l’émergence de deux grandes catégories d’acteurs. D’un côté, ceux qui se sont positionnés sur l’unitranche pour financer des opérations mid et large cap, avec des tickets allant de 50 à 100 millions d’euros et des taux avoisinant les 10 %. De l’autre, ceux qui ont développé des solutions hybrides, à mi-chemin entre la dette senior et l’equity, afin de compléter les tours de table et répondre aux besoins spécifiques des entreprises.
Dans quels types d’opérations intervenez-vous ?
Managing Director : Nous intervenons dans une large gamme de situations, allant des opérations de LBO aux refinancements, en passant par les stratégies de build-up et les dividend recap. Ce dernier type de transaction a d’ailleurs été particulièrement courant en 2024, dans un contexte où de nombreux fonds peinaient à céder leurs actifs. Faute de conditions de marché favorables, ils ont préféré se verser des dividendes en attendant une meilleure fenêtre de sortie.
Principal : Plus largement, nous accompagnons les entreprises lors de transitions managériales et dans tous types de LBO, qu’il s’agisse de Management Buy-Out (MBO) ou d’Owner Buy-Out (OBO).
Managing Director : Ce type de financement séduit notamment parce qu’il permet de limiter la dilution de l’equity. L’alternative serait de s’associer à un autre fonds minoritaire, ce qui implique une perte partielle de contrôle pour le dirigeant. Or, la plupart souhaitent, à terme, récolter l’intégralité des fruits de leur travail.
Notre principal défi reste de convaincre les managers de la pertinence de cet instrument. Plus complexe que des actions classiques ou un financement bancaire traditionnel, il nécessite une véritable démarche pédagogique. Nous devons donc consacrer du temps à expliquer ses mécanismes et ses avantages afin de lever les réticences.
Quels sont les grands acteurs à Paris et en Europe ?
Principal : On distingue deux grandes catégories d’acteurs sur le marché. D’un côté, les fonds opérant principalement en France, financés en majorité par des Limited Partners français. Parmi eux, on retrouve Indigo Capital, Siparex, Trocadéro Capital Partners, InnovaFonds, Swen Capital Partners ou encore CIC Private Debt. De l’autre, des fonds à dimension européenne, généralement de plus grande envergure, comme Capza, Andera Partners, Kartesia, ICG Mezzanine ou encore EMZ.
Chaque acteur se distingue par sa stratégie d’investissement. Certains privilégient les transactions sponsor-less, sans fonds de Private Equity impliqué, tandis que d’autres préfèrent intervenir aux côtés d’un sponsor financier. La taille des tickets est également un critère différenciant : les fonds de plus petite taille ne sont généralement pas positionnés sur les transactions les plus importantes.
Travailler en Mezzanine et Flex Equity
Quel est le parcours idéal pour travailler dans ce secteur ?
Principal : Il n’existe pas de profil type, mais certaines expériences sont particulièrement valorisées, comme un stage en investissement (Private Equity ou c), en M&A, en Leveraged Finance ou encore en Transaction Services. C’est un secteur très compétitif pour plusieurs raisons. D’une part, le nombre de candidats est élevé et beaucoup affichent des parcours académiques et professionnels d’excellence. D’autre part, la rotation des équipes y est plus faible qu’en banque d’affaires, notamment parce que le rythme de travail y est plus équilibré et que l’accès au carried interest incite les professionnels à rester plusieurs années en poste.
Managing Director : Aujourd’hui, les compétences techniques en finance sont devenues un prérequis. La grande majorité des étudiants et jeunes diplômés maîtrisent la modélisation financière sous Excel et savent calculer la valorisation d’une entreprise. Ces connaissances ne sont plus un élément différenciant mais une base indispensable. Ce qui fait vraiment la différence au fil de la carrière, ce sont les compétences relationnelles et commerciales. Gagner la confiance des dirigeants d’entreprise est un atout essentiel pour un investisseur.
Principal : Je partage complètement cette vision. Lors du recrutement d’un junior, nous cherchons bien sûr une solide maîtrise de la finance, de la comptabilité, ainsi que des outils comme Excel et PowerPoint. Mais avec l’expérience, l’aspect technique s’efface progressivement au profit du relationnel.
Notre métier nous amène à collaborer avec des entreprises de taille intermédiaire. Leurs dirigeants ne souhaitent pas s’associer à des investisseurs trop agressifs qui pourraient bouleverser leur gestion. Notre rôle est de leur démontrer que nous adoptons une approche partenariale et que notre objectif est de les accompagner dans leur développement, en véritable partenaire de long terme. C’est là que les qualités humaines prennent toute leur importance.
D’ailleurs, une expertise technique pointue a ses limites, car nous travaillons aux côtés de banquiers d’affaires, d’avocats et de consultants, chacun apportant sa spécialité. Prenons l’exemple des documents juridiques : il est indispensable de comprendre les termes clés lors des négociations, mais la rédaction et la validation finales sont assurées par nos avocats. Ce fonctionnement est d’ailleurs similaire dans les fonds de Private Equity et de Private Debt.
Comment préparer au mieux les entretiens ?
Managing Director : Les entretiens suivent un format similaire à ceux du M&A ou du Private Equity. Ils incluent souvent une étude de cas, où le candidat doit analyser un secteur, évaluer les risques d’une entreprise, identifier ses axes de développement et, in fine, prendre une décision d’investissement.
Mais au-delà des compétences techniques, un autre aspect est fondamental à mes yeux : la dimension humaine. Je veux pouvoir me projeter avec le candidat sur le long terme. Il est essentiel de pouvoir échanger naturellement avec lui, que ce soit sur ses passions, ses voyages à venir ou ses centres d’intérêt. Nous passons la majeure partie de nos journées ensemble au bureau, il est donc crucial que l’entente soit au rendez-vous.
Principal : Absolument. Les équipes sont généralement réduites, avec quatre à cinq personnes, ce qui ne laisse pas de place à l’erreur en matière de recrutement. J’ajouterais aussi qu’une excellente maîtrise de l’anglais est indispensable. La plupart de nos documents sont rédigés dans cette langue et certaines réunions se déroulent également en anglais.
À quelle fourchette de salaire peut prétendre un jeune diplômé ?
Principal : La rémunération varie en fonction de plusieurs paramètres. Les fonds de plus grande envergure, opérant à l’échelle européenne, offrent des salaires plus élevés, généralement alignés sur ceux du Private Equity. À l’inverse, les fonds à dominante française proposent des rémunérations plus modestes, proches de celles pratiquées par certains acteurs du Private Debt à Paris.
Le bonus, en revanche, est souvent moins important que dans les banques d’affaires. En contrepartie, le carried interest est attribué plus tôt que dans les fonds de Private Equity traditionnels. Chez nous, il est même accessible aux juniors, ce qui constitue un atout non négligeable.
Managing Director : À l’embauche, un jeune diplômé peut s’attendre à un salaire fixe avoisinant les 50 000 euros, auquel s’ajoute un bonus variable de 20 à 30 %, sans compter le carried interest, l’intéressement et la participation. Certes, ces rémunérations restent inférieures à celles du Private Equity ou des banques d’affaires, mais l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle y est nettement plus préservé.
Le métier au quotidien
Quelles sont les grandes étapes d’une transaction ?
Principal : Il est important de distinguer les transactions sponsor-less de celles impliquant un sponsor.
Dans le premier cas, le processus suit une approche classique d’investissement en equity. Tout commence par la réception d’un Investment Memorandum et d’un pack de Due Diligences sell-side, généralement envoyés par une banque d’affaires. Si l’opportunité nous intéresse, nous soumettons une Head of Terms, un document synthétisant les principaux termes juridiques de l’opération. Nous passons ensuite en pré-comité avant de lancer nos propres Due Diligences buy-side. Enfin, la documentation juridique est négociée et rédigée par nos avocats avant de finaliser la transaction.
Les transactions avec un sponsor, quant à elles, sont plus rapides. Le fonds de Private Equity ayant déjà réalisé une grande partie du travail en amont, nous nous appuyons sur ses Due Diligences buy-side pour mener nos analyses. Nous soumettons ensuite une Head of Terms, passons en comité d’investissement et validons la documentation juridique. Ce processus est d’ailleurs très similaire à celui des transactions en Private Debt.
Managing Director : Chez Swen Capital Partners, nous accordons une attention particulière à l’analyse extra-financière. Une équipe dédiée se penche systématiquement sur ces sujets afin d’évaluer l’impact de l’entreprise sur son environnement, sa politique sociale et les leviers d’amélioration possibles. Cette approche constitue un véritable facteur différenciant pour nous.
Combien de temps dure en moyenne une transaction ?
Managing Director : En général, les transactions s’étendent sur une période de trois à six mois. Cependant, pour un deal sponsor-less dans un secteur complexe, ce délai peut atteindre environ neuf mois.
Principal : J’observe d’ailleurs un allongement des délais de transaction. Autrefois, un refinancement prenait environ quatre à cinq mois ; il faut désormais compter près de six mois pour qu’il se concrétise.
À quoi peut ressembler le quotidien d’un junior ?
Principal : Les juniors et les stagiaires sont impliqués dans l’ensemble du processus de transaction. Ils préparent les documents nécessaires pour le passage en comité et peuvent assister un membre plus senior de l’équipe dans la modélisation. Ils participent également aux réunions avec les dirigeants et les banques d’affaires lors des phases préliminaires. Par ailleurs, ils analysent les documents fournis, tels que l’Information Memorandum et les Due Diligences, afin de développer progressivement une vision critique des transactions proposées.
Quid des horaires ?
Managing Director : En moyenne, la journée commence vers 9 heures et se termine aux alentours de 20 heures, avec des pics d’activité selon les périodes.
Principal : Il est rare de travailler le week-end. Personnellement, cela ne m’est arrivé que deux fois depuis mon arrivée. Le rythme de travail est nettement plus agréable qu’en banque d’affaires ou dans les grands fonds de Private Equity.
Évolution et débouchés de l’activité Flex Equity et Mezzanine
L’évolution et les grades sont-ils similaires à la banque d’affaires ?
Managing Director : Les grades sont en effet similaires à ceux que l’on trouve dans les fonds de Private Equity classiques.
Quels sont les débouchés après plusieurs années ?
Managing Director : Les débouchés sont variés. Il est possible d’évoluer vers un fonds de plus grande taille ou offrant une stratégie différente. Certains professionnels peuvent également choisir de se diriger vers des fonds de Private Equity traditionnels, tandis que d’autres, après quelques années, envisagent de se lancer dans l’entrepreneuriat.
Qu’aimes-tu dans ton métier ?
Principal : J’apprécie particulièrement la diversité des missions ! Mon quotidien inclut de l’analyse financière et de la modélisation, j’étudie les dynamiques des marchés des entreprises que nous finançons, je suis les levées de fonds auprès de nos Limited Partners et je collabore avec les banques d’affaires, les fonds de Private Equity, les avocats et les consultants. Contrairement aux grandes transactions LBO classiques, notre métier est plus « artisanal » et les instruments que nous utilisons sont plus complexes.
Managing Director : Nous jouons un rôle d’accompagnateur et de conseiller auprès des entreprises de notre portefeuille. Nous les aidons à se développer, que ce soit en acquérant de nouveaux clients, en recrutant des talents ou en anticipant les tendances du marché. L’humain est au cœur de notre métier, car nous accompagnons avant tout des femmes et des hommes désireux de faire croître leur entreprise. Ce sont de belles aventures humaines.
Merci à vous !