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Le M&A Corporate

18 mai 2020 1 Comment

Vous vous demandiez comment et quand passer du M&A en banque ou boutique au M&A en Corporate ? Un ancien Associate vient vous expliquer son parcours. Excellente lecture !

Bonjour et merci d’avoir accepté l’interview ! Quel est ton parcours ?

Après mon baccalauréat, j’ai fait mes études à l’université puis intégré une école de commerce via les admissions parallèles. J’ai toujours été intéressé par la finance ; j’ai donc effectué une césure en M&A Corporate. Je devais ensuite trouver un stage de fin d’études.

J’ai hésité à chercher du côté du M&A car je ne pensais pas tenir le rythme. Je voulais également convertir le stage en CDI et je pensais donc qu’un dernier stage dans ce métier n’était pas optimal, vu la concurrence. Après réflexions, je me suis dit que la conversion d’un stage en CDI n’était jamais certaine et qu’un stage en banque d’affaires était toujours formateur. J’ai donc décidé de faire ce stage de fin d’études dans une petite boutique en M&A.

A la sortie de l’école, j’ai cherché un premier emploi dans un large spectre des métiers de la finance (analyse crédit, Leveraged Finance ou M&A). Je pensais n’avoir aucune chance d’intégrer une banque d’affaires en CDI, mais c’est finalement un des Vice Presidents avec qui je travaillais durant mon dernier stage qui m’a aidé à rejoindre une boutique M&A qui recherchait justement un junior. Les entretiens se sont bien passés et j’ai finalement eu l’offre. J’y suis resté jusqu’au grade d’Associate. Le travail était technique, ce qui m’a permis de progresser aussi bien en finance que dans les domaines annexes.

Après quelques années, j’avais envie de passer à autre chose. Malgré l’ancienneté, la charge de travail restait élevée. Je n’ai dû dîner que quelques fois chez moi, en quatre ans. J’ai donc réfléchi à mes portes de sortie possibles. La première possibilité était bien sûr le Private Equity. J’ai eu l’opportunité de travailler avec plusieurs fonds mais je n’ai jamais été convaincu par leurs horizons d’investissement à court-terme et le manque d’implication industrielle. J’ai donc rayé le Private Equity de la liste.

J’ai cherché du côté M&A Corporate car cet aspect long terme me plaisait. Je voulais également mettre un peu plus les mains dans le cambouis, si je puis dire. Je trouvais également le secteur des Corporates plus stable, moins fluctuant. C’était bien sûr avant qu’un pangolin se fasse manger en Chine ! (Rires)

Présentation du M&A Corporate

En quoi consiste le M&A Corporate ? Quelles sont les différences entre le M&A Corporate et le M&A en banque d’affaires ?

Contrairement au M&A en banque ou en boutique, le M&A en Corporate ressemble plus à de la gestion de projet.

Je peux te donner des exemples concrets. Si une boîte est à vendre aux Etats-Unis, on va d’abord m’envoyer tout le pack d’informations. Je vais ensuite faire quelques recherches et effectuer une analyse financière préliminaire. Je vais aussi me creuser la tête en me demandant comment les activités ou produits de cette entreprise peuvent être complémentaires des nôtres.

Je vais également consulter le département juridique pour connaître le type d’offre que l’on peut remettre. Le comité exécutif de mon entreprise (comex) doit également être informé de la potentielle acquisition. Je vais devoir leur présenter la transaction.

C’est également moi qui organise les Due Diligences. Je vais par exemple, gérer les équipes de Transaction Services ou demander aux RH de vérifier si les contrats de l’entreprise cible sont compatibles avec les nôtres. Nous devons également organiser des visites de sites industriels afin de prévoir les investissements nécessaires.

C’est moins intense qu’en banque d’affaires ou en boutique. Il y a moins de tâches chronophages en termes d’analyse ou de présentation. En revanche, il te faut un minimum de connaissances dans tous les domaines annexes pour comprendre les tenants et les aboutissants de l’opération (notamment juridique et gestion de process M&A). Tu es une sorte de chef d’orchestre.

De la banque à l’entreprise

A quels types de poste, en Corporate, peut prétendre un Associate en M&A ?

Je pense qu’il est préférable de rejoindre le M&A en Corporate avec une certaine séniorité. Il faut, au minimum, trois ans ou quatre ans d’expérience. La raison est assez simple : il n’y a pas ce travail long et fastidieux de recherches et de présentations. Il n’y a plus besoin de petites mains. Il faut des personnes qui gèrent des process en autonomie et prennent des initiatives avec des connaissances dans plusieurs domaines afin de mener le projet à bien. C’est donc rare, mais pas impossible, qu’une équipe M&A en Corporate recrute directement un junior.

Je trouve que le profil M&A est à la fois recherché et peu compris. Les recruteurs savent que c’est reconnu mais on ne comprend pas vraiment ce que tu fais. Tu es très bon pour réaliser des présentations, créer des modèles financiers et travailler vite et sous pression. Tu n’es toutefois spécialiste de rien. Tu pourras difficilement devenir du jour au lendemain directeur financier ou trésorier.

C’est compliqué de rentrer à d’autres postes que M&A. Si, par exemple, tu veux t’orienter vers du contrôle de gestion, tu seras en concurrence avec ceux qui auront déjà une expérience dans le métier. Toutefois, tu peux toujours t’orienter après quelques années en M&A vers d’autres postes en interne, comme en Business Development ou en comptabilité si jamais tu as envie de s’améliorer dans le domaine.

Quel type d’entreprises peut-on viser ?

Plus tu travailles dans une grosse entreprise et plus tu vas faire de grosses transactions. Il n’est pas rare que les géants du CAC40 achètent des entreprises pour plusieurs centaines de millions d’euros ou de dollars. Les anciens banquiers qui ont travaillé dans de grosses institutions sont donc des cibles de choix car ils auront été souvent exposés à des deals de taille importante.

A contrario, les entreprises de taille “moyenne” (plusieurs centaines de millions de chiffre d’affaires par exemple) ne vont pas faire des deals à cinq cents ou six cents millions très souvent. Un ancien banquier de chez Goldman Sachs ou Morgan Stanley risque donc de s’ennuyer un peu. Si tu travailles en M&A mid-cap, il vaut mieux viser des entreprises qui font plein de petites acquisitions dont les montants se situent entre cinquante et cent millions d’euros. Mon conseil serait donc de viser une entreprise dans laquelle tu as une vraie valeur ajoutée.

Il faut aussi faire attention aux entreprises avec des départements M&A qui font des deals une fois tous les deux ou trois ans. J’avais eu un entretien dans une équipe qui me paraissait intéressante. En creusant un peu, je me suis rendu compte qu’ils n’étaient pas très actifs. J’ai préféré ne pas donner suite.

Combien de temps en avance faut-il préparer son départ ?

Je pense que cela prend trois mois minimum entre le moment où tu commences à envoyer les CV et l’offre finale. Tout est un peu plus lent en Corporate, même si cela peut s’accélérer lorsque tu te fais chasser.

Comment as-tu procédé ?

J’ai d’abord recensé toutes les entreprises du FTSE120. J’ai ensuite cherché sur LinkedIn les profils des gens aux postes qui m’intéressaient. Au cours de mes recherches, je me suis d’ailleurs rendu compte que les personnes en M&A Corporate étaient loin d’être toutes passées par la banque d’affaires. Il devait en avoir peut-être un peu moins de la moitié.

Je me suis également appuyé sur mon réseau. Je connaissais des personnes qui sont passées de la banque à l’entreprise, dont un ancien collègue. Je me suis entretenu avec lui pour avoir quelques conseils.

J’avais d’autres pistes en parallèle que j’avais trouvées via les annonces LinkedIn ou des chasseurs de tête.

Chasseurs de têtes : mode d’emploi ?

Il faut faire attention aux chasseurs de têtes. Ils vous proposeront très souvent de faire encore du M&A, mais dans une autre banque ou boutique “à taille humaine”, avec “des horaires corrects”. En creusant un peu, vous vous rendez compte que vous allez faire exactement les mêmes horaires dans le même type de structure. J’ai trouvé que les chasseurs de têtes avaient finalement assez peu d’offres en M&A Corporate.

C’est quand même toujours utile de les appeler pour leur dire que l’on souhaite changer de métier. Dès qu’un chasseur de tête vous appelle, je vous conseille d’ailleurs de décrocher. Même si vous n’avez que quinze jours d’expérience, parlez leur. Ils pourront ainsi vous mettre dans leurs bases de données. C’est toujours utile le jour où vous voudrez partir.

Quel est le bon timing selon toi ?

Je pense qu’il est compliqué de partir avant deux ans. Tu auras encore beaucoup de choses à apprendre et tu ne seras pas à l’aise sur tous les sujets annexes.

Je pense que le timing idéal pour partir se situe entre les niveaux Analyste 3 et Associate 2. Tu es assez flexible et pas trop cher. Tu ne seras pas non plus frustré de passer en Corporate car il y a toujours des tâches un peu ingrates à faire. Un Vice President ou un Director serait probablement beaucoup plus réticent à s’en occuper.

A quoi ressemble un entretien à ce niveau ?

Je pense qu’il y a deux points importants : le métier en lui-même et l’aspect humain.

Il y a bien sûr quelques questions techniques mais on ne va pas te demander la formule de calcul du WACC par exemple. Tu peux avoir une étude de cas, parfois à préparer en avance. L’idée de l’entretien est de comprendre ta façon de réfléchir. Contrairement au M&A en banque d’affaires, tu dois donner ton avis sur la transaction : doit-on ou non acheter cette entreprise et pour quelles raisons. On va aussi te questionner à propos des projets sur lesquels tu as travaillé. Ils veulent savoir ce que tu faisais concrètement, savoir à quel point tu étais impliqué.

L’autre point important est ce qu’on pourrait appeler le « fit ». Ils veulent savoir comment tu te projettes dans l’entreprise. Contrairement à la banque, tu n’es pas là pour faire quatre ou cinq ans puis partir. Ils veulent quelqu’un sur le long terme. La personnalité va donc compter beaucoup. Je pense qu’il est extrêmement important d’être humble dans ce métier, mais j’aurai l’occasion de revenir dessus un peu plus tard.

On lit souvent que le salaire n’est pas à la hauteur par rapport à la banque. Quels conseils donnerais-tu pour négocier le package ?

Oui, votre salaire baissera. De ce que j’ai vu et entendu, les entreprises classiques sont souvent capables d’offrir le même fixe qu’une banque ou une boutique mid-cap. Tu dois cependant dire adieu à ton bonus. En contrepartie, le rythme n’a absolument rien à voir.

Je conseille de demander un peu plus que son fixe, en précisant que l’on renonce à son bonus.

Au cœur du M&A Corporate

A quoi ressemblent tes journées et tes missions au quotidien ?

Les dossiers sont différents et il est très compliqué de donner une journée type. Je travaille en ce moment sur un dossier dans un pays asiatique. Je dois constituer l’équipe du projet, composée d’experts dans chaque secteur, et leur donner les informations intéressantes. Je m’occupe du modèle financier, qui est souvent relativement simplifié. Je vais aussi faire la présentation pour le board afin d’avoir leur accord. Dans un autre dossier, je dois m’occuper de fermer une filiale. Je suis donc en contact avec le service juridique.

Quid des horaires ?

Je fais du 9h30 – 18h, avec une pause déjeuner rapide, trente minutes environ. Le but, c’est d’être chez soi le plus rapidement possible ! (Rires) Une fois chez soi, il arrive que ton supérieur t’appelle pour expliquer telle ou telle chose ou que tu doives envoyer un ou deux mails.

Le rythme n’a strictement rien à voir avec la banque. Une fois que tu retires toutes les tâches chronophages comme la relecture de slides ou le choix de tel mot ou de telle couleur, les journées sont beaucoup plus courtes. Tu te concentres beaucoup moins sur la forme et plus sur le fond.

Sur quels critères mandate-t-on une banque sur un deal ?

Tout dépend de notre besoin. Pour les conseillers juridiques, c’est plutôt le département idoine qui s’en occupe. En revanche, nous avons une grande marge de manœuvre pour le choix du fournisseur de data room ou du cabinet de Transaction Services. Ton supérieur te laisse carte blanche.

En revanche, le choix de la banque est plus sensible car elles peuvent éventuellement t’apporter d’autres produits et services, via les banques de réseau par exemple. Ce n’est donc pas moi qui prends la décision. Cela se joue beaucoup sur les relations.

Nous prenons rarement des banques pour nous conseiller sur les dossiers plus petits (cinquante millions d’euros par exemple).

A quoi ressemble un process en M&A Corporate ?

Tu as d’abord une analyse préliminaire du dossier afin de voir si c’est intéressant ou non. Une fois l’intérêt confirmé, nous passons à la phase de Due Diligence et nous affinons ensuite le modèle financier. Nous préparons ensuite toute la documentation juridique (Shareholder Agreement, Share purchase Agreement, etc.).

C’est exactement la même chose qu’un process en banque ou en boutique. La grande différence, c’est que tu dois convaincre les gens en interne. Certains ne vont pas vouloir se lancer dans le deal alors que ça serait bénéfique pour nous. A l’inverse, d’autres vont vouloir acheter frénétiquement d’autres entreprises. Il faut aller les challenger en interne pour vérifier que l’acquisition serait vraiment intéressante.

On critique souvent les entreprises à cause de leur lenteur et de leur inertie. Est-ce un cliché ?

Non, ce n’est pas un cliché. L’explication est simple. Si on compare avec un fonds d’investissement, le métier de ce dernier est d’investir. Toute leur organisation est pensée autour du processus d’investissement. Les décisions d’achat ou de vente se prennent donc rapidement.

A l’inverse, le M&A n’est pas le cœur de métier d’une entreprise. Si par exemple tu dois faire valider une transaction par le Comex, tu ne vas pas réunir les membres simplement pour ça. Il faut patienter un peu. Les gens ne vont pas non plus travailler toute la nuit pour un document, contrairement à la banque ou au Private Equity. Tu ne peux pas presser autant les gens car ils ont d’autres tâches du quotidien à gérer. Le dossier doit également être validé par plus de personnes en interne (par tous les départements concernés).

Cependant, on sait aussi accélérer le process et travailler vite si le dossier l’exige.

Un passage en M&A en banque permet en général d’accéder à des postes à responsabilité assez rapidement une fois en entreprise. Cela peut-il créer des tensions à l’intérieur de cette dernière ?

Les gens du département M&A ont en général les profils suivants : M&A Corporate, M&A en banque ou boutique ou éventuellement Transaction Services. Tu as donc, grosso modo, le même parcours que tes collègues. Tu ne sors pas du lot.

Il ne faut pas non plus penser que le M&A est considéré comme un poste extrêmement prestigieux par les personnes extérieures à ton équipe. Un ingénieur ou un commercial ne sera pas impressionné par ton parcours si tu as fait plusieurs années chez Goldman Sachs ou Lazard. Les gens ne connaissent pas vraiment l’univers de la finance. Ils vont surtout se rendre compte que contrairement à eux, tu ne connais pas le business par cœur et qu’ils vont devoir t’expliquer plusieurs fois les choses ! (Rires)

Il ne faut donc clairement pas se prendre pour une star. Comme je l’ai dit avant, il faut savoir rester humble. Cela facilite les relations.

M&A vs. Graduate Program : quel programme pour quel profil et quel objectif ?

Je ne saurai pas dire, je ne connais pas trop les Graduate Program. Si ton objectif à la fin est de faire du M&A en Corporate, mieux vaut passer par la banque. Tu apprendras énormément sur les process, la finance, le juridique etc. Si tu n’es pas trop attiré par le M&A et que tu veux découvrir plusieurs départements, le Graduate Program est tout désigné.

Le mot de la fin : quels conseils aurais-tu à donner à quelqu’un commençant sa carrière ?

Faites du volume quand vous postulez. Ne vous mettez pas de barrière, la concurrence est déjà assez rude comme ça. Ne faites pas non plus n’importe quoi en envoyant par exemple votre CV à tous les Managing Directors de Paris en copie cachée. Je l’ai déjà vu, ça ne sert à rien ! (Rires) Ne passez pas non plus des journées entières sur votre lettre de motivation, elle est rarement lue.

Une fois en poste, restez humble. N’hésitez pas à dire “non, je ne sais pas” ou “non, je ne peux pas m’en occuper”, de manière raisonnable bien sûr. Vous ne pouvez pas toujours tout faire ou tout savoir. On ne t’en voudra jamais si c’est le cas. Mieux vaut ça que prendre tous les dossiers et faire des erreurs énormes sur plus de la moitié.

Merci à toi pour cette interview !

1 Comment

  • Le Petit Analyste - Associate en Trading de taux 4 septembre 2022 at 21 h 45 min

    […] Les entités avec qui nous traitons sont les autres banques, les Hedge Funds, les assureurs, les fonds de pensions, les Etats ainsi que les Corporates. […]

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