Le Petit Analyste vous présente aujourd’hui l’activité Non Linear Rates Trading. Bonne lecture !
Bonjour et merci d’avoir accepté l’interview ! Quel est ton parcours ?
Après l’obtention de mon baccalauréat, j’ai entrepris une licence en économie et gestion à l’Université Paris-Dauphine. Attiré par la finance, j’ai intégré le Magistère en gestion de patrimoine dès la troisième année. À l’issue de ce cursus, j’ai poursuivi en Master Gestion de Patrimoine, toujours à Dauphine.
La première année de Master s’est déroulée en alternance dans un cabinet de gestion de Patrimoine. Cette expérience m’a permis d’appliquer la théorie académique à un métier tangible. Cela m’a permis de réaliser que le métier de conseiller en gestion de patrimoine correspond davantage à des profils ayant une forte appétence commerciale et une volonté de rester généraliste. De mon côté, mon intérêt se portait davantage sur la compréhension approfondie des produits financiers proposés aux clients.
C’est pourquoi j’ai fait le choix de me réorienter directement en deuxième année de Master, afin de ne pas perdre une année. J’ai ainsi intégré le Master 268 – Banque d’Investissement et de Marchés, également en alternance. J’ai effectué cette alternance au sein d’une banque française à Paris, dans l’équipe de Structuration de crédit, spécialisée dans les opérations de titrisation pour des acteurs bancaires, assurantiels et réassurantiels. J’ai principalement travaillé sur des dossiers de clients du secteur de la réassurance, pour lesquels j’ai notamment contribué à la Structuration de catastrophe bonds – ou Cat Bonds – qui sont des instruments financiers destinés à couvrir les risques liés aux catastrophes naturelles.
À l’issue de mon diplôme, j’ai reçu plusieurs propositions : une en tant qu’analyste dans la banque où j’avais effectué mon alternance, une autre au sein d’une banque américaine à Paris, ainsi qu’une opportunité en tant que trader dans une équipe Non Linear Rates à Londres. C’est cette dernière que j’ai finalement choisie.
Présentation de l’activité Non Linear Rates Trading
Qu’est-ce que le Non Linear Rates Trading ?
L’équipe regroupe à la fois les fonctions de Structuration et de Trading. Nous concevons et structurons les produits, en assurons le pricing, exécutons les ordres et gérons les risques associés aux transactions et aux instruments traités.
Contrairement aux équipes de Trading linéaire, les équipes de Trading non linéaire interviennent sur des produits présentant un effet de convexité, c’est-à-dire avec une volatilité implicite, dont le risque peut être valorisé. L’équipe a ainsi pour mission de pricer et de traiter l’ensemble des produits comportant une dimension de convexité.
Qu’entends-tu par convexité ?
La convexité désigne le fait que le profil de payoff d’un produit n’est pas linéaire : autrement dit, une variation d’un euro du sous-jacent n’entraînera pas nécessairement une variation d’un euro du résultat. Ce décalage résulte de la structure même des produits dérivés concernés.
Dans l’univers des taux – qui constitue le périmètre sur lequel j’interviens – nous distinguons les
Options dites « vanilles » tels que Caps, Floors, Swaptions et toute combinaison de ces produits. Et les Options dites « Exotiques » qui présentent des payoff plus complexes. Il peut s’agir d’Options à barrières, digitales, ou encore des Options à multiples dates d’exercices. Chacune de ces Options exotiques peut être structurée pour coller aux contraintes de hedging ou d’investissement de notre contrepartie.
Quels sont les grands acteurs du secteur ?
La plupart des grandes banques d’investissement disposent d’une équipe spécialisée en Options de taux, bien que l’intitulé de l’équipe puisse varier d’une institution à l’autre. Les Hedge Funds y ont également recours, les Options leur offrant des leviers supplémentaires pour optimiser leurs performances. De leur côté, les compagnies d’assurance utilisent ces instruments pour répondre à certaines contraintes réglementaires liées à leur bilan.
À quels types de clients proposez-vous vos services ?
On distingue trois grandes catégories de clients : les particuliers (souvent via la banque privée), les entreprises, et les institutions financières.
Les particuliers constituent la catégorie la plus encadrée par la réglementation. Leur accès aux Options se fait généralement de manière indirecte, à travers des produits structurés commercialisés par les banquiers privés. Les entreprises, quant à elles, sont souvent soumises à des obligations de couverture contre les risques de taux et font appel à nos services dans ce cadre.
Enfin, les institutions financières — bancaires et non bancaires — regroupent un large éventail d’acteurs tels que les banques, les Hedge Funds, les sociétés de gestion d’actifs, ainsi que les compagnies d’assurance et de réassurance. Ces clients ont des besoins plus sophistiqués en matière de couverture, d’investissement ou de prise de position sur la volatilité.
Travailler en Non Linear Rates Trading
Est-il nécessaire de maitriser les mathématiques ou les statistiques ?
Je suis convaincu que chacun peut exercer le métier de ses rêves, à condition de s’en donner les moyens et de ne pas s’autocensurer. J’ai moi-même réussi à passer de la gestion de patrimoine à la finance de marché, un changement souvent perçu comme difficile. Je ne me considère pas comme plus brillant que les autres, mais j’ai travaillé avec détermination pour atteindre mes objectifs.
Cela dit, obtenir le poste de ses rêves ne suffit pas : il est essentiel de continuer à s’épanouir et à évoluer tout au long de sa carrière. La majorité de mes interlocuteurs maîtrisaient les outils mathématiques et provenaient de formations scientifiques, ce qui m’a poussé à redoubler d’efforts pour être à la hauteur.
Je pense qu’il est préférable de disposer d’un bagage scientifique ou, à minima, d’avoir suivi un cursus offrant une solide formation en mathématiques financières. La banque dans laquelle je travaille recrute majoritairement des profils issus d’établissements tels que la London School of Economics, Oxford, Cambridge, Bocconi, Centrale Paris, Mines Paris, HEC ou Dauphine. Certaines équipes vont même jusqu’à recruter des PhD en mathématiques.
Dans ce contexte, il est crucial de parler le même langage que ses collègues. C’est en comprenant leur approche, en s’alignant sur leurs standards et en adoptant leur rigueur que l’on progresse réellement.
Quelles expériences sont valorisées pour entrer dans ce milieu ?
Les attentes varient selon le type de contrat : Graduate Program, poste en CDI (full-time), ou stage.
Pour intégrer un Graduate Program, je recommande vivement d’avoir une première expérience en Trading. Cela permet non seulement de développer des compétences techniques solides, mais aussi d’adopter l’état d’esprit nécessaire pour faire face à la pression inhérente au métier. Une expérience en Structuration est également un atout, dans la mesure où les équipes de Structuration travaillent en étroite collaboration avec les traders.
Personnellement, j’accorde une attention particulière aux profils ayant une expérience entrepreneuriale. Les entrepreneurs apportent souvent une perspective différente et des idées innovantes — des qualités essentielles pour exceller en Trading. Leur capacité à gérer la pression est également notable, car ils sont habitués à porter seuls la responsabilité de leurs résultats.
Quelles sont les notions à connaître en entretien ?
Pour se préparer efficacement aux entretiens en finance de marché, il est essentiel de maîtriser un socle de connaissances techniques. L’ouvrage de référence reste Options, Futures and Other Derivatives de John Hull, qui couvre l’essentiel des concepts fondamentaux.
Il convient de savoir pricer des instruments de base tels que les swaps, les Options vanilles (cap, floor dans le cas des taux d’intérêt), ainsi que les swaptions. Une bonne compréhension des risques de premier et de second ordre est également attendue.
La maîtrise de la théorie de Black-Scholes et de ses évolutions est indispensable, tout comme la connaissance du modèle normal de Bachelier. Il est aussi recommandé de se familiariser avec le pricing des Options non-européennes.
En entretien, j’apprécie particulièrement les mises en situation. J’expose au candidat différents scénarios de marché et lui demande de réagir comme s’il était trader. Pour se préparer à ce type d’exercice, je conseille de suivre l’actualité économique et financière au quotidien. Il est utile de repérer un événement marquant, d’en analyser les implications sur les marchés, et d’adopter ainsi la posture d’un trader.
À quelle fourchette de salaire peut-on s’attendre en tant que junior ?
Les salaires des grandes banques d’investissement à Londres sont peu ou prou similaires. Vous pourrez d’ailleurs les trouver sur internet, que ce soit via Glassdoor ou dans les études annuelles publiées par les principaux cabinets de recrutement.
Un arbitrage entre salaire et coût de la vie entre Londres et Paris est à prendre en compte. Néanmoins, au-delà du salaire d’entrée, l’amplitude de croissance du salaire est un déterminant majeur.
Le quotidien en Non Linear Rates Trading
À quoi ressemble ton quotidien ?
La journée d’un trader en Europe commence par la lecture de l’actualité afin de se tenir informé de ce qui s’est passé sur les marchés asiatiques et américains pendant la nuit. Cela permet de préparer au mieux les décisions de la journée.
Les missions principales d’un trader incluent le pricing, l’exécution, le Trading et la gestion des risques. Le pricing consiste à attribuer un prix à toute transaction qui passe par le trader. Une fois cette étape effectuée, il doit s’assurer que le booking est correct, c’est-à-dire que chaque transaction est correctement associée au risque approprié. Le trader doit ainsi être delta neutral au moins une fois par jour, ce qui signifie qu’il doit s’efforcer de neutraliser le risque lié aux positions qu’il détient.
Il doit aussi respecter les limites de risque qui lui sont attribuées. Si un trader prend des positions plus importantes que celles autorisées, il doit être capable de se justifier et, si nécessaire, ajuster ses positions pour rester dans les bornes définies.
En plus de ces missions, un trader peut être amené à collaborer avec les équipes de Structuration et les commerciaux. Ensemble, ils imaginent de nouveaux trades, structurent des solutions sur mesure pour les clients ou interviennent lors de rendez-vous clients lorsque les Sales ont besoin d’un soutien technique pour expliquer des produits complexes.
À quoi peut-on s’attendre en termes d’horaires ?
Nous arrivons au bureau entre 6 h 30 et 7 h du matin. Le rythme de travail varie en fonction de l’équipe et du type de produit traité. Les équipes travaillant sur des produits dits vanilles ont un rythme plus soutenu que celles s’occupant de produits plus complexes.
Dans le premier cas, les traders doivent répondre en temps réel aux demandes qui arrivent en continu. C’est eux qui déterminent le ton du marché, en ajustant constamment les prix pour répondre aux besoins des clients. Ils sont market makers. En revanche, dans les équipes traitant des produits plus sophistiqués, les demandes nécessitent davantage de réflexion, car les risques implicites sont plus variés et complexes.
Les marchés ferment à 16 h 30. Après la clôture, nous envoyons le flash P&L (profit and loss) et nous pouvons alors nous concentrer sur ce que j’appelle la partie « développement » de notre travail. Cela peut inclure la rédaction de présentations pour les Sales, le codage de nouveaux outils, ou encore la vérification des nouveaux risques enregistrés dans la journée.
Nous terminons généralement plus tôt que dans les équipes de M&A même si, à l’occasion, il nous arrive de travailler le week-end pour finaliser des présentations ou des lignes de code, par exemple.
Évolution et débouchés
Quels sont les perspectives d’évolution et débouchés ?
À mon sens, l’évolution la plus intéressante consiste à migrer vers une autre classe d’actifs. Maîtriser plusieurs classes d’actifs te permet non seulement d’élargir ton expertise, mais aussi d’accéder à des salaires plus attractifs. En effet, tu deviens la personne de référence lorsqu’une transaction implique plusieurs classes d’actifs. Cette mobilité est d’ailleurs souvent encouragée par les banques en interne. Je recommande de le faire tôt dans sa carrière, avant d’avoir accumulé cinq ou six années d’expérience et atteint le niveau de Senior Associate.
Une fois au niveau de Vice President, ton salaire devient significativement plus élevé et tu deviens un expert dans ton domaine, rendant alors plus difficile une transition vers une autre équipe. À ce stade, un trader peut également envisager des évolutions vers des postes de Sales ou même de structureur au sein de la même institution.
Le débouché ultime pour de nombreux traders reste de devenir gérant de portefeuille dans un Hedge Fund. Les responsabilités, la pression et la rémunération sont bien différentes.
Qu’aimes-tu dans ton métier ?
J’aime être perçu par mes collègues comme un spécialiste et maîtriser en profondeur ma classe d’actifs. Ce métier est extrêmement technique, combinant des compétences en finance, en mathématiques et en codage. Il est impossible de s’ennuyer, car chaque journée est différente. Chaque événement géopolitique ou économique vient impacter le marché et, par conséquent, mon quotidien.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le métier de trader nécessite également d’excellentes capacités de communication. Il est essentiel de savoir exprimer ses idées de manière claire et convaincante, afin de persuader ses interlocuteurs que ses propositions sont les bonnes.
Merci !