Vous avez envie d’être en banque et de financer l’économie réelle ? Vous avez toujours voulu combiner votre passion pour l’aviation et votre intérêt pour la finance ? Vous devriez jeter un coup d’oeil à l’Aircraft Finance, ou financement aéronautique. Le Petit Analyste est parti à la rencontre d’un spécialiste de l’Aircraft Finance, Associate dans une banque française. Très bonne lecture !
Bonjour et merci d’avoir accepté l’interview ! Quel est votre parcours ?
Après deux années en classes préparatoires, j’ai rejoint ESSEC Business School où j’ai effectué ma scolarité entre Cergy et Singapour. Après un premier stage de 6 mois en start-up, j’ai souhaité m’orienter vers un apprentissage en Finance avec idéalement une spécialisation sectorielle. Cela avait pour moi le double avantage de me projeter dans une industrie ou un marché spécifique tout en me permettant d’apprendre les technicités d’un métier.
Présentation de l’Aircraft Finance
En quoi consiste l’Aviation Finance et pourquoi une compagnie aérienne ou un loueur d’avion font-ils appel à vos équipes pour structurer leurs financements ?
L’Aviation Finance fait partie des financements dits « spécialisés », du fait de la spécificité des actifs financés et des structures qui sont assez différentes des emprunts bancaires classiques. La structuration des transactions impose donc une connaissance particulière des spécificités de chaque avion. Cela implique par exemple de savoir interpréter la valeur d’un avion dans le temps et estimer ce que le prêteur pourra récupérer comme valeur résiduelle en cas de détérioration des conditions de marché (ex : défaut du client).
Le client a donc besoin d’avoir à sa disposition une ligne de métier spécialisée capable de structurer le produit bancaire et de se charger de toutes les étapes allant du process crédit et conformité jusqu’à l’exécution de la transaction.
Financez-vous les avions militaires et les jets privés ?
Notre équipe s’occupe principalement des financements d’avions commerciaux. Les jets privés sont gérés par notre équipe lorsque les clients sont des Corporates. Lorsque ceux-ci sont financés pour le compte de clients privés, c’est une équipe dédiée chez Wealth Management qui s’en occupe.
Apportez-vous des solutions de financement seulement aux compagnies aériennes ?
Nous apportons des solutions également aux loueurs d’avions. Ce sont des acteurs essentiels de l’industrie aéronautique. Ils permettent aux compagnies aériennes de réduire leurs dépenses en capital tout en leur permettant d’avoir accès aux actifs les plus récents et les plus high-tech. Aujourd’hui, plus de 42% de la flotte commerciale mondiale est détenue par des loueurs d’avions (vs. 10% il y a 30 ans) et cette part est censée atteindre les 50% dans plus ou moins dix ans.
Quels types de financement proposez-vous ? Pouvez-vous nous en dire plus sur les Finance Lease ?
Nous proposons principalement à nos clients des Finance Leases ou des Mortgage Loans. Là où un Mortgage Loan est un financement bancaire classique où la banque finance l’achat de l’avion qui ensuite est détenu par le client contre une hypothèque, dans un Finance Lease il s’agit du prêteur ou de l’investisseur qui détient l’avion via un véhicule ad hoc (SPV) et qui le loue au client contre un paiement mensuel qui permet de rembourser l’emprunt. A la fin du contrat, le client peut exercer une option d’achat et prendre possession de l’avion. Le Finance Lease permet non seulement un meilleur accès à la sureté via l’utilisation du véhicule ad hoc, mais aussi de simplifier la structure afin d’éviter de générer des taxes supplémentaires.
Travailler en Aircraft Finance
Quelles expériences et qualités sont recherchées pour effectuer un stage ou un apprentissage dans ce milieu ?
Un background financier est toujours un plus. Le fait d’être intéressé par le secteur aussi, mais il n’est pas nécessaire d’avoir un background en ingénierie ou en aviation pour postuler chez nous. Ce n’était pas mon cas et ça n’a en aucun cas été un handicap.
En termes de compétences, nous accordons de l’importance aux capacités d’analyse et de synthèse, ainsi qu’à l’aisance en anglais. Celles-ci permettront au candidat de rédiger des notes synthétiques sur le marché, le risque d’actif ou la performance opérationnelle et financière des compagnies aériennes ou des loueurs d’avions. La rigueur est également de mise car les enjeux d’un financement ne sont pas toujours évidents à déceler.
Le team spirit est également souhaitable car le candidat devra collaborer régulièrement avec les analystes, mais aussi avec les VPs, Directors, et parfois avec les équipes Middle Office et Compliance…
Comment préparer au mieux les entretiens ? Quelles sont les notions à connaître ?
Il est toujours important de se documenter sur le secteur, les principaux acteurs et les enjeux auxquels le marché se confronte. Plusieurs rapports d’experts (constructeurs, banques, auditeurs…) sont disponibles – parfois gratuitement – en ligne.
Le candidat doit également s’interroger sur les indicateurs/ratios auxquels un financier ou un investisseur en aviation devra faire attention afin d’évaluer la capacité de remboursement de son client, la viabilité du business model et la solidité du bilan. L’aviation étant un secteur à forte intensité capitalistique, le niveau d’endettement, la rentabilité des actifs et la capacité à générer du cash opérationnel permettant de couvrir les dépenses d’investissement et de financement font partie des principaux éléments à cibler.
Le monde de l’aviation
Au vu des évolutions que nous constatons aujourd’hui au sujet du respect de l’environnement, comment est-ce que le marché s’adapte à ces problématiques et essaie-t-il d’apporter des solutions durables ?
Le défi environnemental est un enjeu majeur auquel l’industrie aéronautique s’attèle depuis plus d’une quinzaine d’année. Aujourd’hui, l’aviation civile représente 2% des émissions mondiales en CO2. Pour les compagnies aériennes, le besoin de réduire les émissions carbone est non seulement un impératif environnemental, mais aussi un besoin économique étant donné que le fuel représente leur premier poste de dépense. C’est donc un sujet qui fait consensus pour tous les stakeholders (passagers, employés, managers et actionnaires).
Par ailleurs, l’industrie planche sur le sujet depuis 2005, ce qui lui a permis en 2016 d’être le premier secteur économique à se doter d’un dispositif mondial de maitrise de ses émissions CO2, via l’adoption du programme CORSIA. A travers ce programme, plus de 70% des compagnies se sont engagées sur des objectifs extrêmement ambitieux en deux phases majeures ; une croissance neutre en carbone pour la période 2020-2035, puis une consommation carbone divisée par deux d’ici 2050. Pendant que la première phase impliquera quelques changements technologiques ainsi que des mécanismes de compensation carbone, la deuxième phase sera tributaire des technologies de rupture que l’industrie pourra développer.
C’est pourquoi l’attention ne doit pas être focalisée uniquement sur les compagnies aériennes. C’est un défi qui nécessite la contribution de tous et dépend aussi des constructeurs, des régulateurs, des aéroports…
Le quotidien en Aircraft Finance
Quelles sont les missions au quotidien ?
En tant qu’Associate au sein de l’équipe, j’interviens principalement pour accompagner le montage de nouvelles transactions et pour monitorer l’exposition existante de la banque en termes de financement divers accordés aux compagnies aériennes et aux loueurs d’avions.
Cela se traduit principalement par la rédaction de notes de crédits détaillées à destination des décisionnaires au sein de la banque afin de leur exposer les arguments allant en faveur ou contre la transaction en question, les risques liés au secteur, aux actifs financés et au crédit sous-jacent… Nous avons évoqué le défi environnemental. Celui-ci fait partie intégrante des indicateurs auxquels la banque porte une attention particulière aujourd’hui, en encourageant notamment le financement d’avions nouvelle génération permettant de remplacer d’anciens avions plus polluants.
L’après Aircraft Finance
Quels sont les débouchés ?
Evidemment, il y a d’abord l’évolution verticale au sein de l’équipe. L’évolution peut se faire aussi à l’horizontale au sein de la banque dans des lignes de financements où les missions et procédés sont relativement similaires tel que le maritime, l’immobilier ou le financement de projets… Cela permet de capitaliser sur les compétences techniques assez communes dans ces lignes de métier tout en permettant de découvrir les spécificités de secteurs différents.
L’évolution peut également se faire chez des acteurs de l’industrie tels que les constructeurs et les loueurs d’avions, qui eux aussi doivent répondre à leurs propres problématiques de financement ainsi qu’à celles de leurs clients compagnies aériennes.
Qu’est-ce que tu aimes dans ce métier ?
C’est un métier complet et porté vers l’international. On est exposé à des problématiques diverses (risques transactionnels, réglementaires, de conformité…) avec des clients aux typologies différentes.
Le marché est très dynamique du fait de son ancrage dans l’économie réelle. L’environnement de taux d’intérêts, le prix du fioul ou les problématiques sociales et politiques à l’international peuvent avoir un impact direct sur les structures de financement, les types d’avions financés et les tendances générales du marché… Le spectre est donc très mouvant et nous devons constamment nous adapter aux demandes spécifiques de nos clients et aux exigences du marché.
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[…] est typique du monde des financements structurés, que ce soit du Shipping Finance, de l’Aircraft Finance ou encore du Project Finance. Dans tous les cas, on s’assure que l’actif que l’on […]