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Le Real Estate Structured Finance

8 mars 2021 No Comments

Après le Real Estate Private Equity, on passe du côté de la dette avec l’interview d’un banquier travaillant en Real Estate Structured Finance. Excellente lecture !

Bonjour et merci d’avoir accepté l’interview ! Quel est ton parcours ?

Après un baccalauréat scientifique, j’ai rejoint l’université Paris Dauphine dans laquelle j’ai effectué ma licence et mon master en finance. J’ai effectué ce dernier en alternance dans une grande banque française avant de faire un petit passage dans le secteur de l’immobilier.

J’ai ensuite commencé ma carrière en tant qu’Analyste dans une équipe de Real Estate Structured Finance à Paris dans laquelle je travaille aujourd’hui depuis trois ans en tant qu’Associate.

Présentation du Real Estate Structured Finance

En quoi consiste le Real Estate Structured Finance ?

Une équipe de Real Estate Structured Finance a pour mission de mettre en place des financements bancaires pour des projets liés à l’immobilier. Ces projets peuvent être des projets de développement, d’acquisition ou de refinancement de dette existante.

Le financement est mis en place au niveau d’un Special Purpose Vehicle, ou SPV. Il permet d’isoler l’actif que l’on finance. Si le projet ne fonctionne pas, la santé financière des sponsors ne sera ainsi pas impactée. C’est pour cette raison que l’on qualifie ces financements de « sans recours », c’est-à-dire qu’il n’y a pas de recours possible sur les actionnaires du SPV. En cas de faillite, les garanties sont liées uniquement à l’actif (son cash-flow et/ou sa valeur de marché) et non à l’entreprise qui va par exemple développer le projet.

Ce type de financement est typique du monde des financements structurés, que ce soit du Shipping Finance, de l’Aircraft Finance ou encore du Project Finance. Dans tous les cas, on s’assure que l’actif que l’on finance va pouvoir rembourser la dette qui sera levée. Seul le type d’actif sous-jacent change.

Nous pouvons également mettre en place des financements Corporate dans lesquels nous finançons directement une entreprise opérant dans le secteur immobilier comme c’est le cas des grandes foncières cotées. C’est moins fréquent et cela ne rentre pas dans le domaine des financements structurés car dans ce cas, le financement est mis en place directement sur le bilan de la société et ne comporte pas de sûretés particulières, on dit qu’il s’agit d’un financement « unsecured ».

Quels sont les grands acteurs de l’immobilier ?

Côté Equity

Il y a de nombreux acteurs dans cette catégorie :

  • Les sociétés foncières, comme Covivio, Unibail-Rodamco-Westfield, Gecina ou la Société Foncière Lyonnaise ;
  • Les SCPI, dans lesquels les particuliers peuvent investir via des assurances-vie ;
  • Les fonds d’investissement, comme Blackstone, Apollo ou KKR, qui possèdent en général des fonds dédiés à l’immobilier ;
  • Les promoteurs immobiliers, comme Altarea ou Nexity, spécialisés dans le développement de projets immobiliers ;
  • Les assureurs, à l’instar d’Allianz ou AXA, qui vont investir aussi bien en Equity qu’en Dette.
Côté Dette

Nous avons :

  • Les banques, qui interviennent sur le marché primaire en structurant les opérations de financement. Les grands noms de la place parisienne sont BNP Paribas, Crédit Agricole, Natixis et Société Générale. Il y a aussi quelques grands acteurs du côté des banques allemandes notamment Aareal, PBB, et Helaba ;
  • Les fonds de dette spécialisés dans la dette immobilière, à l’instar de SCOR Investment Partners, Allianz, AXA IM ou Aviva. Ces acteurs peuvent d’ailleurs aussi intervenir en Equity ;

Quelles sont les catégories d’actifs sur lesquelles vous travaillez ?

Il y a pas mal de types d’actifs. Nous avons bien sûr les bureaux ainsi que les commerces, les entrepôts et l’immobilier résidentiel. L’immobilier inclue également des hôtels, des résidences de services pour étudiants ou personnes âgées ou encore des cliniques.

Il peut même y avoir des sous catégories selon les actifs. Au sein des commerces, nous distinguons généralement les centres commerciaux, des commerces en pieds d’immeubles, comme c’est le cas par exemple des nombreuses boutiques de luxe sur l’Avenue des Champs-Elysées ou l’Avenue Montaigne.

Quels produits proposez-vous ?

Nous proposons des prêts bancaires sous forme de Term Loans ou de Revolving Credit Facilities. Ces crédits sont ensuite syndiqués sur le marché primaire, c’est-à-dire qu’ils sont vendus à plusieurs acteurs dès la mise en place du financement. En effet, les montants sont souvent conséquents et une banque ne souhaite pas porter seule toute la dette sur son bilan. Le crédit va donc être vendu à plusieurs autres acteurs, que ce soit des banques, ou des fonds de dette.

Les Loans peuvent être tranchés selon différents niveaux de risque : senior, junior ou mezzanine. Les banques sont amenées à structurer ces différentes tranches si besoin, mais n’ont pas vocation à engager leur bilan pour de la dette junior ou mezzanine. Cette dernière sera généralement pré-syndiquée à un fonds spécialisé.

Rentrer en Real Estate Structured Finance

Quelles expériences conseilles-tu d’avoir pour travailler dans ce secteur ?

Banque vs. Fonds

Si on veut travailler en Real Estate Structured Finance, le mieux est d’avoir une première expérience dans une banque ayant un rôle d’arrangeur (ou en anglais Mandated Lead Arranger – MLA) sur les opérations de financement. Je trouve que c’est plus formateur qu’une première expérience en fonds. Vous ne serez pas impliqué dans la structuration et l’arrangement chez ces derniers.

Spécialisation

Une spécialisation en financement n’est pas obligatoire. Les financements structurés sont un domaine complexe car les sujets abordés sont vastes. On n’attend pas d’un stagiaire ou d’un jeune diplômé qu’il maitrise complètement le métier car il possède une problématique juridique et fiscale importante. En revanche, une première maîtrise des problématiques de financement et/ou de modélisation financière serait un plus.

A l’inverse, si vous êtes sûr de vouloir travailler en immobilier, je vous conseille d’avoir une expérience dans le secteur immobilier, que ce soit dans un fonds, une banque, un cabinet de conseil, une foncière ou un promoteur immobilier. Ça sera vraiment un atout puisque vous serez en mesure de justifier d’une bonne connaissance du secteur et du marché.

Quelles sont les notions à connaître pour un entretien ?

Notions financières

Les principaux ratios financiers à connaitre sont la LTV (Loan To Value) ainsi que le DSCR (Debt Service Coverage Ratio). Il est aussi important de savoir comment fonctionnent les financements structurés et de connaître les produits proposés ainsi que les différentes garanties et sûretés d’un financement.

Le secteur de l’immobilier

Renseignez-vous sur les tendances du marché et ayez en tête certains indicateurs, comme le taux de rendement dans certaines localisations, les taux de vacances ou les niveaux de loyer. Ces indicateurs varient selon la classe d’actifs et sont trouvables sur internet. Elles permettent de situer le projet immobilier étudié et d’avoir une première vision critique quant à sa qualité.

Quid de la modélisation ?

Je ne sais pas comment les entretiens se déroulent dans les autres banques, mais pour ma part, je n’ai pas vraiment été challengé sur la modélisation. Il est certain qu’avoir une première maitrise de la modélisation est un plus pour ce métier.

C’est bien sûr toujours un avantage de maîtriser Excel, même si j’ai constaté que les étudiants n’ont en général pas de problème avec. Les stagiaires ou juniors maitrisent d’ailleurs mieux Excel que la plupart des seniors qui sont dans le métier depuis vingt ans ! (Rires)

La modélisation en Real Estate Structured Finance est relativement simple. L’actif reçoit des loyers de façon régulière. Ces loyers sont connus d’avance, tout comme les charges. La soustraction des deux te donnent un cash-flow net. Nous modélisons ensuite plusieurs scénarios, comme une baisse des loyers ou une hausse des coûts, permettant d’évaluer la solidité financière du projet.

A quelle fourchette de salaire peut prétendre un junior ?

Les juniors sont mieux payés en banque que dans des cabinets de conseil. Même si les salaires fixes sont relativement similaires, le bonus en banque viendra augmenter substantiellement la rémunération totale.

Un junior peut viser entre 40 000 € et 50 000 € de fixe selon le profil. Le bonus peut facilement atteindre la moitié du fixe, même si c’est très subjectif et dépendra de ta performance et de tes relations avec tes collèges et supérieurs.

Passé le stade d’Analyste, l’évolution est beaucoup plus opaque. Contrairement au M&A, c’est un marché beaucoup plus petit. Il y a donc peu d’informations sur l’évolution salariale.

Le quotidien

Quelles sont les grandes étapes d’un deal ?

Nous sommes d’abord sollicités par le client dans le cadre d’un appel d’offre pour financer un projet. Nous nous faisons une première idée du dossier en essayant d’estimer le risque. Le junior sera mis à contribution dans cette réflexion.

Il y aura ensuite une première phase de négociation du term sheet. C’est un document résumant les principales conditions du financement : montant, taux d’intérêt, maturité, amortissement, garanties mises en place, etc. Le junior assistera bien sûr à ces négociations. Une fois que les différentes parties se sont mises d’accord sur les termes, on passe au comité de crédit.

Le but est de rédiger une note interne sur le projet qui soit la plus détaillée possible : description de l’actif financé, risques, investisseurs, rentabilité du financement etc. Cette note sera rédigée en grande partie par le junior et sera présentée au cours d’un comité interne. Une fois l’accord interne obtenue, nous commençons la phase de négociation finale avec le client accompagnés de nos avocats et notaires respectifs. Là encore, le junior assistera aux différentes réunions, même s’il ne pourra pas négocier directement du fait de la complexité juridique des discussions.

Quid des horaires ?

Le rythme en Real Estate Structured Finance est plutôt calme, surtout comparé à d’autres métiers comme le M&A. Nous commençons vers 9h et finissons aux alentours de 19h – 20h. On peut bien sûr finir beaucoup plus tard si la situation l’exige, mais cela reste ponctuel.

Quelle a été l’impact de la pandémie sur le secteur ?

Les différentes classes d’actifs n’ont pas toutes réagi de la même façon. L’hôtellerie a subi un choc d’une extrême violence et est complètement à l’arrêt. Les banques ou fonds de dette vont donc difficilement regarder les dossiers liés à ce secteur. Ils sont plutôt au cœur des sujets de restructuration. Le commerce a été également très impacté, même si c’est moins violent que pour l’hôtellerie. Les prêteurs se concentreront sur les meilleurs actifs pour limiter le risque.

L’impact à moyen terme sur les bureaux est difficile à prévoir. On s’attend bien sûr à des réductions de surface avec le télétravail, même si en contrepartie on risque d’assister à l’augmentation du nombre d’espaces collaboratifs. Vu que notre visibilité est limitée, nous allons nous concentrer là encore sur les localisations les plus attractives. Les grands projets en première ou deuxième couronne à Paris vont être moins regardés car le retour à la croissance économique dans les mois ou années à venir est incertain et cette dernière est généralement un moteur de la demande de surface par les utilisateurs de bureaux.

L’après Real Estate Structured Finance

Quels sont les débouchés ?

Les possibilités sont larges vu le nombre d’acteurs, aussi bien du côté Equity que du côté de la dette. Tu peux rejoindre une société foncière, un promoteur, un fonds de dette ou d’Equity spécialisé dans l’immobilier, un assureur ou encore une autre banque. L’immobilier est un secteur niche et tu es régulièrement sollicité par les cabinets de chasseurs de tête. Tu peux également rejoindre un autre métier du Structured Finance, comme le Project Finance ou le Shipping Finance.

Malgré les nombreux débouchés proposés, j’ai l’impression que les gens ont tendance à rester longtemps dans le métier. En effet, les missions sont intéressantes et les projets sont toujours très différents, le salaire est bon et les horaires corrects. On ne connaît pas la routine et nous sommes en contact avec une diversité d’acteurs (avocats, notaires, banques, fonds de dette, experts immobilier, juristes internes, etc.). Tous ces paramètres font que les gens ne vont pas forcément partir après 2 ou 3 ans de métier. En plus de ça, tu crées ton réseau avec le temps, ce qui rend le métier encore plus passionnant.

Qu’aimes-tu dans ton métier ?

Ce métier te permet d’aborder des problématiques variées, aussi bien financière que juridique ou fiscale. Chaque dossier est unique, il n’y a pas de routine. J’apprécie aussi l’aspect relationnel vu que nous négocions avec les clients, les avocats, les notaires et les différents conseils ainsi qu’avec les équipes internes à la banque, comme les juristes, l’équipe de syndication ou les gestionnaires de portefeuilles. Les projets sur lesquels nous travaillons sont courts et ne durent que quelques mois. C’est un métier dynamique.

Merci !

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