Le Petit Analyste a le plaisir d’accueillir Maude Culis-Féry qui vient nous parler de l’impact de la crise sanitaire actuelle sur le marché du M&A français. Excellente lecture !
Un marché du M&A en déclin mais favorable aux acteurs français
La semaine dernière, Les Echos ont annoncé un recul des « Mergers & Acquisitions » (M&A) françaises de 26.5% à 58.17 milliards de dollars au premier semestre. La période a été cependant favorable aux banques françaises avec une belle remontée de Rothschild (de la 12ème à la 1ère place) et de la Société Générale (de la 21ème à la 2ème place) dans le classement des banques de conseil en fusions-acquisitions en France. La crise sanitaire liée au Covid-19 semblent donc avoir eu des effets importants sur le marché du M&A.
Un décalage dans le temps des opérations en cours
Les premiers effets observés concernent la réalisation ou non des mandats en cours. Les professionnels du M&A anticipent qu’entre 30 et 40% des mandats en cours avant crise ne seront pas menés à terme. Cette tendance s’explique par deux facteurs. Les entreprises souhaitant vendre tout ou une partie de leur activité et bénéficiant d’une bonne santé financière vont attendre des conditions de marché plus favorables. Elles évitent ainsi une probable décote de valorisation due à l’actuelle crise économique. D’un autre côté, les acquéreurs potentiels se montrent prudent et se concentrent sur la gestion opérationnelle de leur activité plutôt que sur l’évaluation d’opérations de croissance externe. Les industriels optimisent le redémarrage de leur activité tandis que les fonds de Private Equity restructurent leur portefeuille d’investissements dans l’attente d’une meilleure visibilité. Les mandats en cours sont eux, majoritairement retardés ce qui fait craindre aux professionnels un mois de septembre extrêmement chargé. Les mandats en cours reprendront tandis que de nouveaux mandats apparaitront sur le marché. Les banques d’investissement doivent se tenir prêtes à saisir ces nouvelles opportunités pour compenser la baisse d’activité constatée sur le secteur au premier semestre 2020.
La crise modifie la typologie des opérations à venir
La crise du Covid-19 va également impacter la typologie des opérations à venir. Trois catégories d’opérations bénéficient du contexte économique actuel. La première est liée aux entreprises en difficulté, plus particulièrement, celles qui n’ont pu accéder aux aides de l’Etat ou pour lesquelles ces aides ont été insuffisantes. Les professionnels des fusions-acquisitions anticipent une multiplication des « Firesales », c’est-à-dire des mandats à la vente, cession complète ou spin-off, exécutés de manière rapide afin de limiter les renégociations à la baisse du prix de vente pour les entreprises les plus fragiles. Pour celles dont les difficultés semblent passagères, des opérations de recapitalisation peuvent être envisagées. Ces opérations vont particulièrement intéresser les fonds souhaitant bénéficier d’une décote de valorisation liée aux difficultés de l’entreprise cible tout en acquérant des actifs de bonne qualité susceptibles de produire un rendement attractif. La deuxième catégorie d’opérations en hausse dans ce contexte de crise concerne les grands groupes français ne pouvant plus soutenir leurs filiales structurellement déficitaires. Cette tendance renforcera donc la multiplication des mandats à la vente. Enfin, la troisième catégorie d’opérations bénéficiant de la crise du Covid-19 concerne plutôt des mandats à l’achat générés par des consolidateurs opportunistes. Ce sont majoritairement des fonds de Private Equity qui cherchent à bénéficier des valorisations basses pour poursuivre des stratégies de build-up. Les acteurs industriels peuvent également faire preuve d’opportunisme en utilisant l’augmentation de capital pour participer à la consolidation de leur secteur. Une tendance particulièrement attendue sur les secteurs du tourisme et des équipementiers automobiles ou producteurs de pièces pour l’industrie aéronautique. Enfin, une raréfaction des cessions traditionnelles d’entreprises stables en bonne santé financière est envisageable ainsi qu’une baisse des transactions à haute dimension stratégique. Les acteurs traditionnellement investis dans ce type d’opérations attendent des conditions de marché moins volatiles.
Certains secteurs sont préservés des effets de la crise
Ces propos sont à nuancer sur les secteurs bénéficiant de la crise en et du changement des modes de consommation comme par exemple l’écosystème e-commerce, le secteur de la santé et le secteur des énergies propres et infrastructures régulées. Sur ces secteurs qui apparaissent résilients aux yeux des investisseurs, les valorisations des entreprises cibles ont fortement augmentées. Certains professionnels n’hésitent pas à parler d’une survalorisation structurelle des actifs.
Les impacts de la crise sur la valorisation des entreprises
La crise du Covid-19 n’a pas seulement impacté le type d’opération sur le marché M&A mais également la valorisation des entreprises. Exception sectorielle mise à part, les multiples de valorisation sont en baisse. En témoigne, l’indice Argos Mid-Market publié par Argos Wityu à 9.3x l’EBITDA au premier trimestre 2020 vs. 10.3x pour le quatrième trimestre 2019. Ceci s’explique aisément. Premièrement, les multiples boursiers ont été touchés par la chute des cours de bourse – cours spot et moyen pondéré sur 3 mois respectivement en baisse de 30% et de 15% en moyenne – combinée avec des prévisions d’EBITDA 2020 en baisse de l’ordre de 20%. Deuxièmement, la méthode de valorisation par DCF est également négativement impactée car la majorité des entreprises anticipent une baisse des prévisions de vente associée à une hausse du coût du capital, les investisseurs étant plus prudent en période de forte volatilité des marchés. La méthode de valorisation par transactions comparables est naturellement exclue de ce raisonnement puisque que la crise a entrainé la suspension quasi systématique des mandats en cours.
A retenir
Le marché français du M&A est donc bouleversé par la crise sanitaire du Covid-19. Cependant, la baisse du volume des transactions observée n’a pas vocation à se maintenir. Les banques d’investissement anticipent plutôt une hausse du nombre d’opérations et un renforcement de la concurrence entre les acheteurs lors de cessions d’actifs de qualité lié à la baisse généralisée des multiples de transaction.
Maude Culis-Féry
ESSEC Student
maude.culisfery@essec.edu
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