Le Petit Analyste vous présente l’ALM, ou Asset Liabilities Management. Excellente lecture !
Bonjour et merci d’avoir accepté l’interview ! Quel est ton parcours ?
Après deux années en classe préparatoire ECS à Paris, j’ai rejoint l’ESSEC. La flexibilité offerte par le programme Grande Ecole m’a permis de suivre plusieurs filières, à savoir la filière finance, option « Finance de Marché » et « Energies et Matières Premières », ainsi que celle en économie appliquée. J’ai également eu l’opportunité de réaliser un échange avec l’Ecole Nationale des Ponts et Chaussées en économétrie et statistiques.
Lors ma scolarité à l’ESSEC, j’ai effectué un stage en trading quantitatif en Fixed Income, qui m’a exposé à un niveau relativement avancé de technique financière, tout en y incorporant une dimension macroéconomique. Plus tard, j’ai pu faire un apprentissage en tant qu’assistant de recherche économique chez un grand assureur français. Cela m’a fait offert une exposition aux sujets macroéconomiques touchant principalement à la dette, aux taux directeurs, aux politiques monétaires ainsi qu’à la fiscalité. Ces deux années m’ont donné la chance d’affiner mon projet professionnel et mon intérêt pour les questions financières et économiques complexes, tout en écartant l’hypothèse immédiate du monde de la recherche.
A la fin de mon cursus, un groupe bancaire anglo-saxon m’a recruté comme Analyste en Capital et Liquidité, avec pour domaine d’expertise la banque de détail, l’assurance et la gestion d’actifs. En parallèle de mes activités professionnelles, j’ai eu la chance de suivre une formation professionnelle focalisée sur la gestion des sujets de trésorerie pour les institutions financières et bancaires, le CertBALM, qui m’a permis d’approfondir le champ de mes connaissances et expertises sur les nombreux thèmes couverts par l’Asset & Liabilities Management.
Par la suite, ce groupe bancaire m’a envoyé dans une de leur filiale pour une mission de quelques mois sur des sujets de gestion de trésorerie, et de planification financière ; dont par exemple l’implémentation de ratio de liquidité et les stratégies d’optimisation de capital. De retour à Londres, je suis devenu responsable de l’optimisation du capital et de la performance de la banque de détail, un rôle couvrant notamment la structuration et vente d’actifs propre non stratégiques (non-core), ou encore la mise en place de titrisation dans le cadre de réductions des Risk-Weighted Assets pour améliorer la rentabilité du capital.
Désormais, j’ai la responsabilité d’une équipe de la direction financière de ce groupe en charge du développement de modèles de planification et d’optimisation du bilan, et des indicateurs de performance du groupe. J’ai ainsi eu l’opportunité de monter cette équipe hybride composée d’analystes financiers et de développeurs. Ces modèles peuvent prendre en compte différents paramètres et contraintes, comme la rentabilité des capitaux propres, le rendement des actifs, la structure du bilan ou encore un niveau minimum des ratios règlementaires, pour guider le management de la banque dans leur stratégie financière interne et externe, la gestion des risques et le positionnement de la banque vis-à-vis du régulateur.
Présentation de l’Assets & Liabilities Management, ou ALM
Comment définirais-tu l’ALM en quelques mots ?
Le domaine de l’Assets & Liabilities Management pour les institutions financières regroupe de nombreux métiers. Parmi eux, on trouve les métiers liés à la gestion du capital par exemple, en charge notamment de la capitalisation de l’institution, ou encore des stratégies de dividendes. Les métiers de la gestion de liquidité sont critiques également un domaine critique pour les banques permettant de s’assurer de pouvoir faire face à une crise de liquidité si les déposants venaient à retirer leur argent en masse. C’est par exemple ce qui s’est passé en 2008 pour Northern Rock lors de la crise financière. Les équipes d’Assets & Liabilities Management peuvent également superviser les ratios de performance, comme le calcul du bénéfice par action (Earnings Per Share, ou EPS), s’occuper de la couverture des risques de taux, ou encore être en charge des rapports réglementaires. On trouve également des équipes en charge de l’exécution de stratégie de bilan sur les marchés, en particulier pour gérer les dépôts auprès des banques centrales, ou encore les Swaps de taux et/ou de devises permettant de dé-risquer le bilan.
En somme, l’Assets & Liabilities Management couvre un large panel d’expertises au sein des institutions financières, qui ont pour point commun l’optimisation du bilan, la minimisation des risques pour les clients, l’institution et ses actionnaires, et la compliance aux exigences règlementaires.
Dans quels types d’entités est-il possible d’exercer ce métier ?
Les équipes d’Assets & Liabilities Management, ou de Gestion de Trésorerie sont présentes chez toutes les grandes institutions financières. On observe néanmoins des différences notables entre une banque systémique, un assureur ou un fond de gestion, en ce qui concerne la taille des équipes, les sujets prioritaires, mais aussi l’importance accordée dans les décisions stratégiques de l’entité. Les assureurs vont par exemple porter une attention plus importante à la gestion du financement (funding). Les banques vont souvent couvrir tous les sujets avec un angle prioritaire sur les questions de capital, et plus généralement d’optimisation de leur bilan dans un cadre réglementaire.
Les institutions du type fonds de Private Equity ou Family Office sont moins impactés par les sujets d’ALM, et leurs activités sont souvent cantonnées a de la gestion de trésorerie d’entreprise classique.
Intégrer le milieu
Quelles expériences sont à privilégier ?
Avant toute chose, une bonne base de connaissance en finance et comptabilité est requise. Bien que la comptabilité ne soit pas le cœur de métier, cette dernière s’avère essentielle sur certains sujets pour comprendre la régulation, les impacts fiscaux, les typologies de traitements du bilan, certaines opportunités d’optimisation, ou encore les différentes perspectives entre une vision interne et externe de la structure financière d’une entité. Etre familier avec l’univers du Fixed Income et des Swaps est également un plus, notamment en ce qui concerne les taux d’intérêt, leurs calculs, risques, types de Swaps, et les impacts en cas de variation.
En matière d’expériences professionnelles, les profils sont généralement variés. Les plus jeunes arrivent à la suite de stages en finance ou en venant d’un Graduate Program, et cherchent une première expérience dans un métier technique et leur permettant d’être exposé à plusieurs activités de la banque.
D’autres arrivent dans ces fonctions ALM après quelques années d’expérience pour donner un nouvel élan à leur carrière en travaillant sur des sujets techniques et complexes tout en collaborant avec le top management. On voit ainsi des personnes intégrer une équipe ALM après plusieurs années en M&A, trading, finance, ou encore en stratégie. Ces personnes y trouvent un certain niveau de responsabilité et de technicité tout en bénéficiant d’équilibre de vie généralement bon.
Plus généralement, l’Assets & Liabilities Management peut être vu comme un accélérateur de carrière pour plusieurs raisons. Ce sont des métiers essentiels à la banque, exposés aux régulateurs, interagissant avec la grande majorité des acteurs au sein de l’entreprise, et permettant d’accéder rapidement à des responsabilités. D’ailleurs, c’est une route que plusieurs directeurs financiers de banques ont empruntée dans leur carrière.
A quelle fourchette de salaire peut-on prétendre ?
Comment souvent, le salaire varie selon les banques. Les banques anglo-saxonnes ou internationales paient bien. Les banques plus locales sont moins généreuses. On peut espérer un salaire fixe aux alentours de 40 000 euros dans une banque locale alors que les grandes banques internationales vont plutôt rémunérer entre 50 000 euros et 60 000 euros. Au niveau Vice President (ou Associate Director) dans une banque internationale, le salaire fixe peut varier entre 80 000 euros et 120 000 euros selon l’expertise, avec un bonus compris souvent entre 10 % et 30 % du fixe. Ces salaires ne sont qu’indicatifs. Ils sont bien sûr bien plus bas que ceux en banque d’affaires, mais les horaires de travails n’ont toutefois strictement rien à voir.
Justement, quid des horaires ?
Ma journée débute généralement vers 8h / 8h 30 et finis vers 18h 30 / 19h. Il m’arrive de finir ponctuellement vers 21 h et de travailler jusqu’à minuit quelques fois par an, lors de cycles bien définis.
Peux-tu nous en dire plus sur la certification CERTBALM ?
La formation est destinée aux gestionnaires ALM et est principalement reconnue au Royaume-Uni. Elle a un équivalent en France avec l’AFGAP (l’Association Française de Gestion Actif-Passif) dans une formation proposée par l’ENSAE. La certification a pour but de renforcer ses connaissances sur les sujets évoqués plus tôt. Elle comprend des cours sur la gestion de bilan et de capital, la liquidité, les risques de taux et de marché, la valorisation, les performances financières ou encore la gestion règlementaire.
Une cinquantaine de personnes sont diplômées chaque année au Royaume-Uni. L’intérêt de la formation est double. C’est une certification reconnue par les professionnels du secteur attestant d’un certain niveau de connaissances. Elle permet également de comprendre le quotidien des autres gestionnaires ALM, ce qui vous permet d’exercer un autre métier dans le secteur si l’opportunité se présente.
Le quotidien
Quels sont les principales missions d’un gestionnaire ALM ?
Les gestionnaires ALM sont en charge de tous les points mentionnés précédemment, et donc de la bonne gestion du bilan de l’institution financière. Si l’on considère par exemple la gestion de capital spécifiquement, la réforme Bale 3 qui rentre progressivement en application, impose au gestionnaire de se pencher sur la façon dont est déployé l’argent de la banque, en fonction des classes d’actifs et de ce qu’elles mobilisent en ressources. Concrètement, si des emprunts immobiliers venaient à être trop onéreux en capital pour la banque, on regarderait les différentes manières de les restructurer par exemple via de la titrisation, de s’en débarrasser via de la vente de portefeuilles complets, ou encore de réduire la croissance d’un portefeuille au profit d’un autre plus performant au regard de ses consommations en ressources financières mobilisées.
D’autres gestionnaires pourront se charger d’analyser les situations de stress et crise, pour comprendre quels leviers mèneraient l’institution à ne pas respecter ses ratios règlementaires ou à ne pas pouvoir faire face à ses paiements dus. Son rôle est de planifier en amont la manière de recapitaliser l’institution et réfléchir à quels actifs elle devra se débarrasser.
Quels outils utilisez-vous au quotidien ?
Les données analysées viennent principalement des systèmes internes, bien qu’utilisant aussi des informations externes via Bloomberg entre autres. La modélisation est réalisée, à l’instar des banques d’affaires, sur Excel et VBA, mais aussi de manière croissante en Python. Enfin, ces métiers ont recours à plusieurs suites d’application de visualisation de données pour présenter résultats et propositions sous forme graphique et modulaire. Le Cloud joue également un rôle important dans l’amélioration de la structuration des données et donc la valeur que l’on peut en retirer.
Ces métiers impliquent donc également de plus en plus de connaissance en programmation et notamment Python, l’un des plus utilisés dans le secteur. Cela ne veut pas dire qu’un gestionnaire ALM doit savoir parfaitement coder. Il doit toutefois pouvoir comprendre dans les grandes lignes le travail du développeur pour communiquer efficacement. La maitrise de la programmation devient ainsi petit à petit une norme dans toute le secteur financier.
Pour caricaturer, les plus jeunes feront principalement du développement et de la modélisation sur Excel pour se former en connaissances techniques et financières. Au fur et à mesure des années, ils utiliseront de plus en plus PowerPoint pour présenter leurs résultats au management. Puis enfin, Word sera leur cheval de bataille pour mettre à plat les propositions du management. Plus on a d’expériences et moins on a de logiciels sur ton ordinateur ! (Rires) Plus sérieusement, l’ALM est un métier technique et il n’est pas concevable que l’on puisse y faire carrière sans maîtriser Excel, PowerPoint ou comprendre un peu de programmation dans le futur.
Avec quelles autres équipes interagissez-vous, que ce soit en interne ou en externe ?
Ces rôles ont beaucoup d’interlocuteurs. En interne, les fonctions ALM interagissent avec le senior management, comme le PDG ou le Directeur Financier, car ils sont responsables de la bonne gestion du bilan. L’ALM est également exposé au régulateur à propos des différents sujets de liquidité, capital ou encore valorisation, et travaille bien sûr aussi avec les fonctions business et risque de la banque.
Quel est l’impact de la montée des taux sur l’activité de l’ALM ?
Avant la récente hausse de taux, les banques géraient les risques de taux de manière plus passive pendant une décennie. Il faut dorénavant envisager les différents niveaux de variations de taux ainsi que leur impact en risque de crédit notamment, mais aussi généralement sur le pricing et la performance des institutions financières et banques. Il n’y a toutefois pas une unique bonne réponse a cette question. L’impact dépend de l’institution, sa géographie, ses hedges en place, la typologie de ses clients et produits, et bien d’autres choses encore.
L’après ALM
Quels sont les débouchés ?
L’ALM est un domaine qui recrute et il est relativement facile de changer de métier au sein du secteur. Rien n’empêche d’ailleurs de changer de poste après un ou deux ans. En effet, la courbe d’apprentissage est extrêmement rapide et faire des changements de fonctions au sein de l’ALM peut permettre d’acquérir une vision panoramique des activités d’une banque.
Qu’aimes-tu dans ton métier ?
La technicité, la variété des sujets abordés et la richesse des discussions avec les différentes contreparties. C’est d’ailleurs un métier très relationnel qui expose à de nombreuses activités au sein de la banque. Je ne peux que le recommander à tous ceux qui veulent un métier combinant technicité, diversité, ambition et équilibre professionnel.
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