Le Petit Analyste vous parle aujourd’hui de l’Acquisition Finance. Excellente lecture !
Bonjour et merci d’avoir accepté l’interview ! Quel est ton parcours ?
Rencontre avec l’Acquisition Finance
J’ai intégré HEC après une classe préparatoire. Alors que je cherchais un premier stage, j’ai eu l’occasion de parler avec un banquier travaillant dans une équipe d’Acquisition Finance. Les missions qu’il me décrivait avaient l’air intéressantes. J’ai donc postulé et effectué mon premier stage en Acquisition Finance.
Fintech vs. Banque
J’ai par la suite fait un stage en fintech. C’était intéressant de découvrir cet univers. Cela m’a également permis de me rendre compte qu’en fintech, la technologie est aussi importante que la finance. Pour un profil purement financier comme le mien à l’époque, junior de surcroit, je trouvais qu’un boulot en fintech était moins approprié qu’un premier travail en banque à la sortie de l’école.
Cela m’a donc poussé à suivre une majeure finance avant de retourner en banque. A la sortie de l’école, j’ai intégré une équipe d’Acquisition Finance en tant qu’Analyste.
Présentation de l’Acquisition Finance
En quoi consiste l’Acquisition Finance ?
Le rôle de l’Acquisition Finance
Les équipes d’Acquisition Finance vont à la fois financer les grands groupes (Corporates) lors d’acquisitions mais également les conseiller sur leur structure de capital.
Nous leur fournissons des emprunts bancaires. Nous mettons donc une partie du bilan de la banque à la disposition du client.
Acquisition Finance vs. Leveraged Finance
Une équipe d’Acquisition Finance va financer les acquisitions de clients Corporates : Alstom / Bombardier ou LVMH / Tiffany, alors qu’une équipe de Leveraged Finance va financer les LBO réalisés par des fonds de Private Equity, comme Blackstone ou Ardian.
Il faut savoir que les deux activités sont regroupées dans certaines banques.
Quels sont les grands acteurs à Paris ?
C’est un univers très bancaire : BNP Paribas, Crédit Agricole, Natixis et Société Générale pour citer les banques françaises. Le plus souvent, on retrouvera une ou plusieurs de ces institutions dans les transactions impliquant une entreprise française. Tu retrouveras aussi régulièrement des banques américaines ou d’autres banques européennes comme Deutsche Bank, HSBC, Santander ou encore Unicredit.
Toutes les banques n’ont toutefois pas le même positionnement. Certaines auront plus d’appétit que d’autres sur les transactions, en fonction de leur taille, de leur ancrage géographique, de leur gestion des risques, etc.
Quels produits proposez-vous ?
Le bridge loan
Le produit de prédilection d’une équipe d’Acquisition Finance est le bridge loan, ou crédit relais. Il a pour vocation à ne rester en place que sur une courte période pour que notre client, l’acheteur, puisse prouver au vendeur et aux autorités financières (si c’est une offre publique) qu’il a bien les fonds nécessaires pour mener l’opération.
Ces crédits n’ont pas forcément vocation à être utilisés. Ils sont d’ailleurs structurés de telle façon que les clients sont poussés à les refinancer rapidement, souvent par des émissions obligataires (bonds).
Prêts bancaires et RCF
Plus rarement, nous proposons des prêts bancaires (term loans). Ils peuvent être amortissables ou remboursables in fine. C’est un produit classique mais moins fréquent car moins avantageux pour les banques en termes d’exposition.
Un autre produit bancaire très commun est le RCF, ou Revolving Credit Facility. C’est une ligne de liquidité qui permet à l’entreprise de faire face à des besoins ponctuels de trésorerie ou à des imprévus. Cette ligne est toutefois relativement chère et les entreprises préfèrent éviter de la tirer.
Travailler en Acquisition Finance
Quelles expériences et qualités sont recherchées pour effectuer un stage dans ce milieu ?
Nous prenons des étudiants qui n’ont pas déjà eu de stage en finance. Je n’avais d’ailleurs pas d’expérience dans le milieu quand j’ai été recruté pour mon stage.
Il faut cependant obligatoirement une expérience significative en finance si l’on souhaite être Analyste. Il faudrait idéalement être passé par une équipe de financement même si un passage en M&A est également valorisé.
Comment préparer au mieux les entretiens ?
Je pense que les entretiens sont moins formatés qu’en M&A. L’Acquisition Finance est une activité moins connue et peut-être moins facile à préparer. A minima, on attend des bases solides en finance d’entreprise. Il faut bien comprendre les différents états financiers et leurs interactions.
En ce qui concerne les questions spécifiques à l’activité, il faut savoir expliquer le rôle d’une équipe d’Acquisition Finance. On peut bien sûr répondre aux questions du candidat car ce n’est pas une activité très connue mais il faut quand même en savoir un minimum sur notre métier. Il faut également des notions d’analyse crédit, comme connaître les principaux ratios utilisés ou ce que représente une notation de crédit.
Nous ne proposons pas aux candidats d’exercice de modélisation pour un stage. Je ne sais pas si c’est une pratique courante dans les autres banques. Il y a toutefois de fortes chances d’avoir un exercice de modélisation si c’est pour un poste d’Analyste.
A quelle fourchette de salaire peut prétendre un jeune diplômé qui commence en Acquisition Finance ?
C’est difficile de répondre car les banques françaises ont des grilles selon les écoles. Je pense qu’on peut viser entre 42 000 € et 50 000 € en salaire fixe. Le bonus représente une part importante de la rémunération.
Le quotidien
Quelles sont les grandes étapes d’un deal en Acquisition Finance ?
Positionnement de l’Acquisition Finance
Nous travaillons beaucoup avec les équipes de M&A mais notre positionnement est différent. L’équipe M&A va mener l’effort d’origination en proposant des idées de transaction, à l’achat ou à la vente, alors que l’équipe d’Acquisition Finance va intervenir si la transaction se concrétise, pour discuter de sa faisabilité. Enfin, nous interviendrons si la transaction nécessite un financement bancaire. Mais nous n’allons pas proposer un bridge loan à un client s’il n’y a aucune transaction ! (Rires)
L’Acquisition Finance te permet aussi d’être sur un plus grand nombre de transactions. En effet, même si tu n’es pas initialement présent dans le financement de l’opération, les montants en jeu sont tellement importants que ta banque sera probablement appelée à participer dans un second temps.
Réflexion préliminaire
Il faut d’abord accompagner le client dans sa réflexion. Nous le faisons main dans la main avec les autres équipes présentes sur le deal. Notre réflexion est bien sûr plus axée sur le financement : faisabilité, montant, structure, impact sur la notation …
Confidentialité
Lorsque l’opération est lancée, un des principaux enjeux est la confidentialité. Un dilemme se pose alors.
D’un côté, le client souhaite garder un maximum de discrétion et ne veut pas que toute la place parisienne soit au courant de la transaction. Il faut donc contacter un minimum de banques. D’un autre côté, les montants sont tellement importants qu’il est pratiquement impossible de laisser une poignée de banques prendre la totalité du financement, surtout lorsque le crédit est de moins bonne qualité.
Nous procédons donc en deux étapes. Les banques les plus proches du client vont dans un premier temps structurer l’opération et porter sur leurs épaules tout le risque, c’est à dire l’intégralité du besoin en financement. Quelques semaines ou mois plus tard, quand la transaction devient publique, elles vont se délester d’une partie de leur exposition. C’est ce qu’on appelle la syndication. Nous allons inviter des banques à participer à ce crédit syndiqué. Le but est bien sûr de faire entrer un maximum de banques pour que les institutions initialement présentes sur l’opération soient moins exposées.
Prenons un exemple pour illustrer. Une entreprise a besoin de lever dix milliards d’euros pour une transaction. Elle va d’abord faire appel à deux banques, qui vont chacune récupérer cinq milliards d’euros sur leur bilan. Ces deux banques vont ensuite inviter une vingtaine de banques à participer à la syndication. Sur la vingtaine de banques invitées, seules quinze acceptent. Il y aura donc in fine dix-sept banques présentes (les deux banques initiales et les quinze qui ont acceptées la syndication) qui vont chacune avoir une part des dix milliards d’euros. Le montant n’est d’ailleurs pas forcément identique entre chaque banque. Chacune prend un ticket différent selon ses capacités.
Comité de crédit
Avant de pouvoir proposer le financement à notre client ou de faire partie des banques participant à la syndication, nous devons convaincre en interne que le risque de la transaction est acceptable et que la dette sera facilement syndiquée. En effet, vu que nous garderons une partie de la dette sur notre bilan, nous devons nous assurer que l’entreprise se portera bien au cours des années à venir.
Nous allons donc analyser tous les aspects de la transaction : business de l’entreprise, marché, stratégie, performance … Nous modélisons également plusieurs scénarios pour anticiper les performances futures.
Notre accord de crédit se fonde également sur des termes & conditions juridiques (term sheet voire, quand cela est possible, sur un contrat de crédit complet). Le plus souvent, le contrat de crédit complet sera signé avant de lancer la syndication.
A quoi peut ressembler le quotidien d’un junior ?
Les missions sont assez variées. Les stagiaires vont participer à l’effort marketing en réalisant les présentations PowerPoint. Ils vont également participer à l’analyse crédit, que ce soit en modélisant les projections financières ou en rédigeant une partie de la note de crédit. Les Analystes vont également suivre le dossier une fois que celui-ci aura été mis en place vu que nous gardons une partie de la dette sur notre bilan.
Quid des horaires ?
Nous n’avons pas un rythme de croisière impliquant de gros horaires. Nous finissons en général vers vingt heures. Il y a bien sûr des périodes pendant lesquelles nous pouvons finir beaucoup plus tard. Cela arrive par exemple lorsque tu dois rendre un dossier pour un comité de crédit qui a lieu dans une ou deux semaines. Contrairement au M&A, ces périodes de rush ne durent pas des mois.
Je trouve d’ailleurs qu’il est plus simple de gérer la charge de travail dans notre métier. Nous savons quand aura lieu le comité de crédit et nous pouvons donc moduler notre effort selon la complexité du dossier. Il y a un peu plus de souplesse et je pense que cela vient de notre exposition au client, qui est différente. Nous sommes d’avantage ce qu’on appelle une équipe produit et nous intervenons surtout au moment du financement, contrairement au M&A qui va accompagner le client tout au long de l’opération.
L’après Acquisition Finance
Quels sont les débouchés ?
Certains sont partis en fonds, que ce soit en Private Debt ou en Private Equity. D’autres sont partis dans les directions financières de grands groupes ou dans d’autres banques.
Qu’aimes-tu dans ton métier ?
C’est un métier riche et varié. On est en contact avec différents métiers de la banque d’investissement, comme M&A, DCM ou ECM. Les transactions peuvent également être complexes et transformantes pour notre client. Les types de clients sont d’ailleurs variés car nous ne sommes pas sectorisés. Les missions sont aussi enrichissantes et complexes, même pour un stagiaire. Il ne fera pas uniquement des présentations PowerPoint.
Le positionnement d’une équipe d’Acquisition Finance est d’ailleurs intéressant. Il faut à la fois satisfaire le client tout en répondant aux exigences de la banque car nous engageons une partie de son bilan sur la transaction. Cela te permet de mieux comprendre le fonctionnement d’une banque, son cœur de métier, qui est d’investir ses passifs dans des actifs plus ou moins risqués, et les contraintes qui pèsent sur elle.
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