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Avocat en M&A

24 août 2020 No Comments

Le métier d’avocat M&A vous fait de l’œil ? Le Petit Analyste est parti à la rencontre d’une avocate en M&A. Excellente lecture !

Bonjour et merci d’avoir accepté l’interview ! Quel est ton parcours ?

Après le baccalauréat, j’ai fait une licence de droit avec, en parallèle, un diplôme universitaire en anglais et chinois. J’ai ensuite effectué un Master 1 en droit des affaires suivi d’une année à Shanghai. J’ai suivi une formation appelée « Chinese Business and Management ». Cela m’a permis d’obtenir un stage dans un cabinet français à Shanghai. De retour en France, j’ai suivi un Master 2 en droit des affaires en partenariat avec l’ESCP. Ce master est intéressant car il est composé d’un semestre à la fac/école et d’un semestre en stage obligatoire. Les cours à l’ESCP m’ont permis d’acquérir une certaine culture financière qui n’est que très peu abordée à la faculté de droit.

J’ai effectué un stage de 6 mois dans un cabinet américain à Paris avant de passer l’examen d’entrée au CRFPA, aussi appelé examen du barreau qui permet d’entrer à l’école du barreau. A l’école, tu as 3 semestres : un semestre de cours, un semestre de stage que tu peux effectuer où tu veux, excepté en cabinet d’avocats en France, puis un semestre appelé « stage final » obligatoirement en cabinet d’avocat en France. Ce système m’a permis d’avoir une expérience en entreprise, ce qui a été extrêmement intéressant. Le fonctionnement d’un service juridique d’une entreprise classique n’a rien à voir avec celui d’un cabinet d’avocats. Après mon stage final, j’ai décroché une collaboration (l’équivalent d’un CDI dans un cabinet d’avocats) en tant qu’avocate spécialisée en M&A.

Présentation du métier d’avocat M&A

En quoi consiste le métier d’avocats M&A ?

Je dirais qu’il y a 3 axes :

  • La négociation ;
  • La rédaction ;
  • La gestion et l’organisation de la cession ou l’achat de la société.
Négociation et rédaction

Durant la négociation, nous discutons avec le client pour comprendre ce qu’il souhaite, ses objectifs et ce qui est acceptable ou non pour lui et quelles concessions il peut faire. C’est le cœur du métier. Nous nous occupons également de rédiger toute la documentation contractuelle, comme le Share Purchase Agreement (SPA) ou des Transitional Services Agreement (TSA) si l’entreprise qui se fait acheter ou vendre fait partie d’un grand groupe. Cela permet à l’entreprise de continuer à bénéficier des services qu’elle avait avant l’opération (production, comptabilité, HR …). Nous nous occupons également de la documentation liée à la vie de la société. On peut citer les procès-verbaux des assemblées générales par exemple.

Organisation du process

Nous aidons notre client à gérer la transaction. Nous lui demandons les documents à produire, gérons la dataroom, répondons aux questions de l’acheteur, notifions l’autorité de la concurrence si nécessaire, etc… Nous intervenons directement avec les autres conseillers. L’avocat en M&A est en quelque sorte un chef d’orchestre. Cela te permet également d’explorer d’autres sphères du droit. Si par exemple, tu travailles sur une transaction dans le secteur de l’immobilier, il y a de fortes chances que tu doives te renseigner sur le droit immobilier. Chaque nouveau dossier te fait sortir de ta zone de confort, c’est très stimulant !

Quels sont les grands acteurs à Paris ? 

Il y a trois familles d’acteurs à Paris :

  • Les cabinets anglo-saxons, avec le Magic Circle qui regroupe les cabinets anglais les plus prestigieux (Clifford Chance, Linklaters, Freshfields Brukhaus Deringer et Allen & Overy) ;
  • Les cabinets américains comme Skadden ou encore Latham & Watkins ;
  • Les cabinets français comme Bredin Prat, Darrois Villey ou encore Gide. Cette catégorie comprend également des entités fondées par d’anciens avocats en M&A venant de grosses structures. Je pense par exemple à BDGS, fondé il y a moins d’une dizaine d’années par d’anciens de Gide. Ce cabinet est uniquement à Paris et fonctionne très bien grâce à la qualité de leurs fondateurs.

Est-il possible de travailler à l’étranger avec une formation française ?

Je connais certaines personnes qui ont effectué leur stage à l’étranger pendant l’école du barreau. C’est donc possible. Beaucoup vont travailler au Luxembourg car c’est plus simple que Londres. La concurrence est intense là-bas et à moins de se faire coopter par un cabinet français, les chances sont minces.

Pour travailler à l’étranger une fois que l’on est avocat en M&A, on dit souvent qu’il est préférable d’avoir quelques années d’exercice. Les juniors locaux seront probablement meilleurs que toi car ils parlent la langue et connaissent les spécificités du droit local. Tu n’as donc pas de plus-value à apporter. Après quelques années d’expérience, tu as plus d’expertise. Il faut savoir que toute la documentation est internationalisée et de plus en plus standardisée. On retrouve le même type de clauses dans différents pays, avec bien sûr les spécificités locales.

Un avocat M&A peut donc s’exporter après quelques années et apprendra les spécificités du droit local sur le tas. J’ai vu par exemple des cabinets d’avocats français en Chine qui proposaient leurs services à des sociétés françaises voulant s’implanter en Chine (ou à des entreprises chinoises traitant avec l’Hexagone). Il faut toutefois savoir défendre son parcours et prouver qu’il est plus intéressant de nous recruter plutôt que de recruter un avocat local. Ça reste un marché concurrentiel.

Comment est organisé un cabinet d’avocats en M&A ?

Secteurs

Cela dépend vraiment des cabinets. Un cabinet peut être généraliste tout en ayant une forte pratique dans des secteurs particuliers, comme en science de la vie ou en nouvelles technologies, ou des types d’opérations. Cela ne veut toutefois pas dire que l’on travaillera uniquement dans ces secteurs. Tout dépend de l’organisation du cabinet. En général, les avocats juniors sont recrutés pour travailler sur tout type d’opération et pour tout type d’industrie.  Au fur et à mesure du temps, un avocat peut être amené à travailler avec un Associé spécialisé dans un secteur. Par ricochet, l’avocat qui travaille avec lui va également se spécialiser.

Associés et collaborateurs

Dans certains cabinets, les collaborateurs peuvent travailler avec un seul Associé. Il y a ainsi une sorte de sous-équipe dans l’équipe. A l’inverse, les avocats dans d’autres cabinets peuvent travailler avec tous les Associés. Des affinités vont toutefois se créer avec le temps et tu préfèreras travailler avec certaines personnes.

Je pense qu’en tant que stagiaire, il est intéressant de tout voir. Attention toutefois à sélectionner un cabinet dont la spécialité vous plait. Chaque cabinet a ses points forts. Le cabinet Bredin Prat est reconnu pour des opérations de Public M&A par exemple, même s’ils s’occupent également de transactions en Private M&A. Ils sont très bons en droit boursier. Freshields était également très bon en Public et Private M&A. Ils ont désormais une excellente réputation dans les trois secteurs depuis qu’ils ont débauché l’équipe de Private Equity d’un autre cabinet anglo-saxon. Il y a une sorte de mercato des avocats.

Travailler en tant qu’avocat M&A

Quel parcours conseilles-tu d’avoir pour travailler en tant qu’avocat en M&A ?

Je me souviens qu’en M2, un de mes professeurs répondait aux questions des étudiants en M1. Les étudiants lui demandaient souvent quelles expériences étaient à privilégier pour intégrer ce M2, quelles notes viser ou encore quelle spécialité choisir. Il conseillait tout simplement de faire ce que l’on aime réellement car cela nous mènera au métier qui nous plaît. Avec le recul, je pense que c’est fondamental.

Pour répondre plus précisément à ta question, il faut savoir que le métier d’avocat en M&A est très concurrentiel. Il y a donc des passages obligés.

L’expérience à l’étranger

Il faut une expérience à l’étranger, que ce soit un stage ou un échange universitaire. C’est fondamental de savoir parler anglais. C’est la langue de travail, 90% de ce qu’on rédige est en anglais. Avoir une expérience à l’étranger permet également de sortir de sa zone de confort, ce qui est primordial en tant qu’avocat en M&A. Nous sommes tous les jours exposés à de nouveaux dossiers. C’est également bien d’avoir une troisième langue sur son CV, surtout c’est si une langue d’un pays que l’on chérit. Vous pourrez ainsi travailler avec des clients du pays. Cela permet aussi de se démarquer des autres candidats.

L’école de commerce

Ce n’est pas obligé mais il est fortement recommandé de passer par une école de commerce au cours de ses études. Les recruteurs apprécient beaucoup cette double casquette. Je pense aussi qu’en termes d’expérience personnelle, c’est très enrichissant car on côtoie des étudiants avec une formation et des méthodes de travail différentes. Cela vous permet également d’approfondir vos connaissances en comptabilité et finance. Même si vous n’êtes pas un banquier M&A, il est utile de maîtriser les différentes notions, comme le BFR (Working Capital en anglais) ou les calculs de valorisation d’entreprise. Cela permet d’être plus à l’aise dans les dossiers.

Le CRFPA, ou le barreau

C’est obligatoire. On ne peut pas exercer sans.

Les candidatures pour les stages en cabinets d’avocats ont l’air particulières. Peux-tu nous en dire quelques mots ?

On dit toujours qu’il faut s’y prendre très en avance, environ 1 an avant. Les recruteurs savent que la nouvelle promotion d’avocats vient d’entrer en école et vont donc proposer aux alentours de décembre et janvier des stages pour l’année d’après. Les étudiants vont donc postuler à cette période. Vers mars, on peut dire que tout le monde a trouvé son stage.

La recherche du stage final est assez cruciale car c’est à la suite de cette expérience que tu peux décrocher ton premier emploi. Vu que la demande en junior est importante, les gens trouvent assez facilement une collaboration. Il faut toutefois toujours chercher une collaboration dans un cabinet autre que celui dans lequel tu effectues ton stage final. Avoir deux offres te permettra de négocier ta rétrocession d’honoraires, c’est-à-dire ton salaire.

Comment préparer au mieux les entretiens ? 

Le CV

Il faut maîtriser chaque point de son CV et être capable d’en parler. Il ne faut rien laisser au hasard : formation, sujet de mémoire, expérience professionnelle, documentation …

L’anglais

Il y a souvent un moment pendant l’entretien où l’interlocuteur vous parlera en anglais. Le recruteur peut par exemple te demander d’expliquer, en anglais, un point de ton CV. Il faut donc avoir une sorte de petit pitch tout prêt. Ce n’est pas nécessaire de donner des explications complexes. Il faut toutefois être prêt, ce serait dommage d’être pris par surprise.

Les questions techniques

Certains cabinets vont avoir des questions très précises sur des points juridiques. On peut poser des questions générales sur du droit des sociétés ou plus précises sur les pactes d’associés. Il faut par exemple savoir ce qu’est un droit de préemption ou les clauses « tag along » et « drag along ». Il faut également pouvoir donner les points importants à regarder en cas d’audit d’une société (notamment les clauses de changement de contrôle).

L’humilité

Il n’est pas utile de faire croire que l’on a rédigé nous-même des pactes d’associés ou que l’on a géré seul, la transaction de bout en bout. C’est même contreproductif. Les recruteurs savent très bien qu’un stagiaire n’a pas fait énormément de choses, surtout dans un grand cabinet. Il faut expliquer ce que l’on sait faire. Si on a déjà organisé un closing (la fin d’une opération), il faut le dire, même si cela revient à imprimer des pochettes, coller les étiquettes sur ces pochettes et mettre les documents au bon endroit. Cela peut paraître ingrat et rébarbatif comme mission ; c’est pourtant fondamental. Cela permet au processus de se dérouler parfaitement. Cela montre aussi le côté rigoureux du stagiaire, ce qui permettra à ce dernier de monter en puissance.

Le métier au quotidien

Quelles sont les grandes étapes d’une transaction ?

Pour simplifier, prenons l’exemple d’une cession à 100% d’une société directement à un seul acheteur déjà ciblé.

On va d’abord rédiger un document qui s’appelle le Letter of Intent. Il donne les grandes lignes de la transaction en décrivant ce qu’il va se passer et les différentes étapes.

Le vendeur va ensuite mettre en place une dataroom, c’est-à-dire une plateforme internet sur laquelle tous les documents utiles à la transaction sont mis en ligne. L’acheteur va pouvoir ainsi revoir toute la documentation fiscale, sociale, liée à la propriété intellectuelle, etc. Il y a bien sûr des questions de la part de chaque partie. C’est ce qu’on appelle les Q&A. Cette partie va pas mal influencer les négociations, le contrat de cession d’actions et la garantie d’actif et de passif.

Nous avons ensuite la signature du contrat que l’on appelle Signing dans la langue de Shakespeare. L’étape d’après, le closing, est la finalisation du contrat. Ces deux étapes ne sont pas forcément simultanées, il peut avoir une différence de temps liée à des conditions suspensives (Condition Precedent). Ce sont toutes les obligations qui doivent être réalisées avant la conclusion de la vente. On peut par exemple citer une autorisation accordée par l’autorité de la concurrence ou encore organiser une consultation avec les représentants des salariés. Une fois que les conditions sont levées, on peut passer au closing.

Quels sont les grades ?

Il y a deux grandes catégories : collaborateurs et Associés, ou Partners.

Collaborateurs

Le statut de collaborateur est assimilable à celui d’un salarié (même si le collaborateur reste sous le régime libéral). Entre 1 et 3 ans d’expérience, on est collaborateur junior. Entre 4 et 7 ans d’expérience, nous sommes considérés comme collaborateur mid-level. Passé 7 ans d’expérience, nous sommes collaborateurs seniors.

Counsel

Lorsque les Associés trouvent qu’un collaborateur est très bon mais ne veulent pas le faire passer tout de suite Associé, il a le grade de Counsel. Ce grade atteste d’une certaine technicité.

Associés et Managing Partners

En tant qu’Associé, tu prends une part au capital et aux résultats. Sa rémunération est donc liée aux performances du cabinet, même si chaque cabinet a des modes de rémunération différents.

Au-dessus des Associés, on trouve le Managing Partner. Il s’occupe de tout l’aspect administratif du cabinet, même si cela dépend des personnalités. Certains ne vont plus que s’occuper de la gestion du cabinet quand d’autres travailleront en parallèle sur leurs dossiers. Ils sont en général nommés pour 2 ans renouvelables, même si, là encore, les règles sont différentes selon les cabinets. Certains vont laisser un Managing Partner pendant 20 ans à son poste quand d’autres cabinets n’autorisent pas plus de deux mandats.

A quelle fourchette de salaire peut s’attendre un junior ?

Il faut savoir que nous n’avons pas le statut de salarié. Nous ne touchons pas un salaire mais une rétrocession d’honoraires. Ce montant est le même tous les mois avec des potentiels bonus selon la performance du collaborateur (notamment sur le nombre d’heures travaillées). Même si on est libéral, nous travaillons comme dans une entreprise et avons une hiérarchie.

Si on travaille dans un petit cabinet français, on peut viser entre 45 000 € et 55 000 €. Dans les gros cabinets anglo-saxons, on peut monter jusqu’à 120 000 € par an. Comme je l’ai dit avant, nous ne sommes pas salariés. La fiscalité est donc différente et on perd environ 45% une fois en net. Cela reste toutefois des salaires intéressants.

Quid des horaires ?

L’activité M&A est très cyclique. S’il n’y a pas de dossier à traiter, on peut faire du 10h – 19h sans problème mais cela reste très rare ! (Rires) En rythme de croisière, la journée commence vers 9h30 et finit vers 21h. Si l’on commence à travailler sur plusieurs dossiers, il n’est pas rare de partir après minuit. Une fois collaborateur, nous avons un téléphone professionnel et sommes donc joignable les week-ends et jours fériés. Il n’est donc pas exceptionnel de travailler quelques heures le week-end. Il n’y a pas de déconnexion, il faut donc aimer ce que l’on fait et savoir faire des concessions sur sa vie privée. Tout comme en M&A en banque d’affaires, beaucoup de juniors partent ailleurs après quelques temps en cabinet à cause du rythme.

Quels sont les débouchés à la sortie de l’école et après quelques années ?

Parmi mes camarades de promotion, personne n’a encore monté sa propre structure. Il faut forcément une certaine renommée et expertise avant d’avoir des clients. Même sans parler de réseau, il est impossible de gérer seul une opération. La plupart de mes camarades vont donc devenir avocat en M&A dans un cabinet à la sortie de l’école.

Certains vont toutefois intégrer la direction juridique d’une entreprise. Certaines équipes ont une expertise très pointue sur un secteur particulier. C’est parfait si on a un intérêt pour un secteur donné. On peut d’ailleurs intégrer une direction juridique après quelques temps en cabinet d’avocats. C’est assez courant.

D’autres avocats vont exercer des métiers avec une composante juridique, comme directeur des ressources humaines. On peut également changer de spécialité et passer par exemple en contentieux ou en propriété intellectuelle. Quand on a envie d’apprendre, on peut exercer le métier d’avocat de 1000 façons.

Qu’aimes-tu dans ton métier ?

Je vais plutôt commencer par les points négatifs. En tant que junior, on a parfois l’impression d’avoir des tâches rébarbatives tout en ayant un certain niveau d’exigence. La pression reste forte et nous devons être tout le temps disponible.

J’adore toutefois mon métier. J’aime être exposée à plein de secteurs différents. C’est enrichissant de devoir comprendre comment chaque entreprise fonctionne. Je trouve ça également incroyable d’accompagner la vie de la société, parfois depuis ses débuts. Ces sociétés ne sont pas juste des documents juridiques ou des chiffres financiers. Elles sont composées d’hommes et de femmes qui participent au développement économique du pays en proposant de nouveaux produits ou de nouvelles technologies. C’est vraiment stimulant et valorisant !

Merci pour cette interview !

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