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Du M&A à L’Entrepreneuriat

4 juin 2020 No Comments

Le Petit Analyste est parti aujourd’hui à la rencontre de Guillaume Pommier, ancien banquier chez Lazard et co-fondateur de Training You. Il nous parle de son parcours et nous livre quelques conseils pour les entrepreneurs en herbe.

Parcours et présentation du parcours

Bonjour et merci d’avoir accepté l’interview ! Quel est ton parcours ?

Des sciences politiques aux écoles de commerce

Après le baccalauréat, j’ai fait une classe préparatoire hypokhâgne B/L. Je ne cherchais pas à rentrer en école de commerce à l’époque. Après un an de classe préparatoire, j’ai intégré Sciences Po Strasbourg. J’ai choisi le master Affaires Publiques. Petit à petit, je me suis rendu compte que faire carrière dans l’administration ne m’intéressait pas plus que ça. J’étais plus attiré par le privé et me suis donc renseigné sur les formations que je pouvais faire après Sciences Po. L’idée était d’avoir une double compétence. J’ai passé les concours d’admission sur titre pour intégrer ensuite l’ESSEC.

Les études en finance

Quand je suis rentré à l’ESSEC, mon projet n’était pas tourné vers la finance. Une fois en école, on entend souvent dire que ce secteur est stimulant et regroupe des métiers intéressants offrant de nombreux débouchés. J’ai donc décidé de me lancer dedans. J’ai effectué deux stages en M&A ; le premier dans une boutique mid-cap et le second dans une banque en large-cap. A la fin de mes études, j’ai intégré directement l’équipe TMT (technologie, média et télécom) de Lazard à Paris, en tant qu’Analyste. A chaque fois, j’ai capitalisé sur mon expérience précédente pour avoir une offre dans une banque ou boutique plus prestigieuse.

Les prémisses

Comment t’est venue l’idée de devenir entrepreneur ?

Il y a eu trois étapes. Quand je suis rentré à l’ESSEC, je me suis rapidement dirigé vers le M&A puisque c’était un métier assez populaire et que beaucoup d’étudiants en parlaient. J’avais cependant pris un cours d’entrepreneuriat et l’idée de monter mon entreprise m’intéressait. J’ai laissé cette idée de côté dans un premier temps en préférant commencer ma carrière en banque d’affaires.

Une fois chez Lazard, j’ai eu souvent l’occasion de travailler avec des startups. J’ai vraiment bien aimé ces deals et les interactions avec les entrepreneurs. Cela m’a certainement donné envie de me lancer à mon tour dans cette aventure.

Enfin, nous avions des discussions très informelles avec plusieurs collègues de Lazard. On s’entendait très bien à la fois dans le travail et dans la vie et on se disait : « Tiens, cela serait bien de monter une boîte ensemble après l’aventure Lazard ». Quand mon associé actuel, Yong Jie, a démissionné, le sujet est bien sûr revenu sur la table. J’ai démissionné à mon tour et nous avons lancé Training You !

Une start-up dans la finance : projet de toujours ou opportunité saisie ?

Non, je ne voulais pas lancer à tout prix une entreprise dans la finance. Avec mon associé, nous étions d’accord sur l’idée de créer une startup, mais nous ne savions pas dans quel secteur.

Nous souhaitions trouver une idée pour laquelle nous avions à la fois des compétences et une certaine crédibilité. De plus, nous savions qu’il existait un marché de la formation en finance. Enfin, se lancer dans ce type de startup ne demandait pas non plus énormément de ressources. Vous n’avez pas de R&D, de Capex ou autres. En fait, la ressource principale, c’est l’équipe !

Conseilles-tu de te lancer avec quelqu’un ? Le duo commercial-ingénieur est-il toujours pertinent ?

Je conseille vraiment de se lancer avec quelqu’un. Si tu te lances seul, tu n’as personne à qui parler, avec qui échanger ou confronter tes idées. Environ 90% des startups ne passent pas la première année et je comprends complètement. On pense avoir une idée géniale, on est motivé pendant quelques mois puis on laisse tomber à la première difficulté. Être deux nous a probablement permis de garder cette motivation et cette détermination.

Je ne pense pas que le duo commercial/ingénieur soit obligatoire pour lancer une startup. On peut très bien faire sans. Yong Jie a un parcours similaire au mien mais nous nous complétons d’une autre façon. Par exemple, il est Singapourien et a donc une vision plus internationale. Pour ma part, je connais mieux le marché français. C’est vrai que plus les profils sont variés chez les fondateurs, plus les compétences sont nombreuses. Avoir un expert en tech ou marketing te fait gagner pas mal de temps… Mais ce n’est pas un prérequis pour commencer.

Le grand saut

As-tu parlé à des investisseurs avant de te lancer ? Avais-tu un business plan ?

Non, nous n’avons pas fait appel à des investisseurs. Nos deux ans chez Lazard nous ont rapporté un peu d’argent. Nous avons puisé dans nos économies pour nous lancer et assurer les premiers développements, sans se payer au départ. Le financement est devenu un sujet récemment quand Training You a commencé à se développer.

Nous nous sommes bien sûr renseignés sur le marché de la formation et les acteurs existants. Il fallait comprendre ce qu’ils faisaient pour proposer ensuite une offre alternative. C’était important pour nous de ne pas faire un produit identique. Sinon, cela n’a pas grand intérêt.

Justement, que proposez-vous actuellement ?

Nous avons constaté quand nous étions étudiants puis recruteurs pour Lazard le décalage énorme entre ce qu’on apprend à l’école et ce qui est demandé en entreprise. Training You adresse cet enjeu en proposant des formations complémentaires de l’école pour aider les étudiants à préparer les entretiens et se former aux compétences opérationnelles requises en poste en début de carrière.

Notre approche répond à un enjeu primordial pour les étudiants car ils sont souvent mal préparés aux entretiens devenus très sélectifs dans ce domaine et maîtrisent assez peu les compétences opérationnelles requises en poste.

Nous avons d’abord proposé une formation sur mesure en présentiel avec des cours, des annales, des entretiens blancs et un suivi personnalisé de chacun de nos étudiants. De plus, notre business model était innovant car l’étudiant ne payait la formation que s’il décrochait un stage. Cela nous a permis d’avoir des clients rapidement et de se faire connaitre. En plus, c’était une vraie différence par rapport aux concurrents.

Puis nous avons développé une plateforme de cours en ligne. Nous proposons des MOOCs qui aident les étudiants à chaque étape de leurs parcours avec différents types de contenus : aide aux candidatures, networking, questions techniques, questions de fit ainsi que des modules sur PowerPoint et Excel. De plus, nous élargissons notre catalogue en faisant appel à des professionnels dans chaque domaine de la finance : Transaction Services, ECM, Venture Capital et encore d’autres à venir… Le contenu est aussi régulièrement mis à jour.

Aujourd’hui, les étudiants peuvent avoir accès à tous les cours avec un abonnement de 24,99€ par mois, sans aucune durée d’engagement.

Est-ce que l’évolution de votre offre était planifiée depuis le début ?

Nous souhaitions depuis le départ avoir une offre « blended ». Au début, les formations présentielles ont été très importantes pour gagner en visibilité et nouer des relations avec les étudiants, en particulier via les associations étudiantes. Nous avons par exemple noué un solide partenariat avec ESSEC Transaction depuis déjà plus d’un an.

Puis Training You a progressivement évolué vers plus de digital. Le e-learning nous offre aujourd’hui la possibilité de proposer nos formations à plus d’étudiants, alors que nous étions plus contraints en présentiel, surtout avec le suivi personnalisé à assurer à deux. In fine, l’idée de développer une offre de formation à distance a toujours été là, mais nous avons attendu le bon timing pour se lancer.

La structuration des offres a aussi été revue au cours du temps, tout comme les prix. En fait, c’est toujours compliqué de trouver le juste prix. Un prix ne se décrète pas, il se découvre ! Entre la valeur réelle et la valeur perçue, c’est difficile de trouver le bon pricing pour nos services.

Nous avons d’ailleurs eu le même constat pour le business model. On ne peut pas dire que tel ou tel modèle va fonctionner avant de l’avoir testé sur le marché. Il y a toujours une période d’apprentissage.

Penses-tu que ton expérience en M&A chez Lazard t’ait aidé ? 

Oui, bien sûr. Cela nous a aidé puisque nous avions une légitimité pour proposer des formations en Corporate Finance. Nous avons été à la fois candidats puis recruteurs pour Lazard. Nous connaissons donc parfaitement les enjeux auxquels font face les étudiants lors de leur recherche de stage.

De plus, le nom de Lazard nous permet également d’être crédibles quand nous parlons avec de potentiels partenaires. Toutes les personnes qui connaissent le milieu ont entendu parler de cette institution. En dehors de ça, certaines compétences acquises durant notre passage en M&A nous ont été utiles : rigueur, relation avec nos partenaires, rédaction d’email, etc. Tout ça t’aide au quotidien.

Les horaires en M&A sont réputés pour être lourds. Faisais-tu ça en parallèle de ton travail ?

Je me suis vraiment lancé après avoir quitté Lazard. Quand on était en poste, on en parlait autour d’un verre de manière informelle mais ça s’arrêtait là. Une fois que j’avais démissionné, j’ai commencé à y réfléchir plus souvent.

Je pense que c’est impossible de cumuler l’entrepreneuriat et le M&A, surtout lorsque les horaires sont vraiment lourds. Tu peux lancer un projet mais pas une entreprise. Chercher des clients, nouer des partenariats ou encore créer du contenu, cela prend énormément de temps !

Mieux vaut-il se lancer directement après les études si l’on veut monter une start-up ? Ou au contraire, un passage en M&A est recommandé ?

Les deux sont faisables. Je dirais qu’il ne faut pas se forcer à faire un ou deux ans en M&A si on n’a pas envie de le faire.

Mais si tu hésites entre commencer en banque d’affaires ou lancer ta startup, alors cela peut être judicieux de débuter par le M&A puis de te lancer après. En plus de ça, décaler d’un ou deux ans le lancement de ton entreprise ne va pas non plus changer radicalement ton projet, sauf s’il y a une contrainte de timing. A l’inverse, si tu commences par la startup et que tu veux par la suite rentrer en M&A, cela va être plus compliqué.

L’autre point à ne pas sous-estimer est l’aspect matériel. Travailler quelque temps en banque te permet de mettre de côté pour te lancer. Cela nous a permis de nous autofinancer et de ne pas faire appel au « love money », c’est-à-dire de l’argent des proches (les trois F en anglais : friends, family and fools).

Que penses-tu des incubateurs en école ? Bon moyen de se lancer sans risque ?

Je ne peux pas trop parler des incubateurs en école puisque nous n’y avons pas fait appel. Nous allons toutefois nous faire incuber au Village. Un incubateur permet de professionnaliser l’entreprise et d’accélérer le développement.

D’abord, tu as des locaux pour l’équipe fondatrice et les premiers recrutements. C’est quand même un vrai plus ! Ensuite, tu bénéficies d’un accompagnement sur mesure, grâce notamment à des mentors qui ont eux aussi monté des startups. Quand on est first time entrepreneurs comme nous, recevoir des feedbacks d’entrepreneurs qui ont déjà lancé leurs boîtes est un atout considérable. Et interagir avec d’autres d’entrepreneurs qui se lancent comme nous permet à la fois de créer un réseau au sein de l’écosystème et d’apprendre des autres. Enfin, tu as accès au réseau des incubateurs. Au Village, il y a par exemple Orange, Microsoft, Crédit Agricole…

Rêvons un peu : imaginons que tu revendes Training You pour une belle somme. Quel serait le prochain projet ? Siroter des margaritas au bord de la plage jusqu’à la retraite ?

J’aime beaucoup les cocktails, j’en siroterai quelques-uns je pense ! (Rires) Plus sérieusement, je profiterai certainement un peu. Cependant, je ne me vois pas rien faire jusqu’à la fin de ma vie. Ce n’est pas mon caractère.

Je pourrai fonder une autre entreprise mais ça ne serait pas mon projet numéro un. Pourquoi pas retourner en finance mais plutôt en Venture Capital par exemple. Cela dit, depuis que je suis à mon compte, je me demande si je n’aurai pas du mal à travailler de nouveau pour un N+1.

J’ai aussi une passion pour la politique, je me vois bien me lancer dedans après. Je reste toutefois pragmatique, tout dépendra des opportunités. On ne sait pas de quoi est fait l’avenir.

Le marché de la formation en finance et l’entrepreneuriat en France

L’offre de formation en finance répond-elle aux lacunes des écoles de commerce ?

Effectivement, Il y a aujourd’hui un décalage entre ce que l’on apprend en école de commerce et la réalité des entretiens et du métier. C’est très marqué en finance. En plus de ça, la compétition dans ce secteur est très forte et oblige les étudiants à être parfaitement préparés. Les étudiants auront donc tendance à suivre des formations en parallèle pour compléter leur préparation. Cela n’empêche pas que les cours en écoles de commerce soient bons. Ils sont toutefois souvent dispensés par des académiciens ou des personnes qui ne font pas passer les entretiens.

L’accroissement de l’offre de formation en finance n’est-elle pas aussi liée à la complexification des processus de recrutement ?

Effectivement, c’est une autre partie de l’explication. Les process deviennent de plus en plus compliqués et le niveau d’exigence augmente. Par exemple, les candidatures en Summer Internships à Londres ouvrent un an avant le stage et il faut écrire des essais, une lettre de motivation, passer des tests en lignes et des HireView avant d’avoir un Assessment Center d’une journée, sans oublier de networker en parallèle. Le niveau d’exigence à Paris est également élevé. Les candidats se retrouvent de plus en plus souvent à devoir passer des tests sur Excel ou rédiger des présentations sur PowerPoint, même pour des recrutements en stage.

Les écoles ne sont pas tout à fait au courant de ces pratiques. C’est impossible de les connaître si on n’a jamais postulé ou si on n’est pas recruteur. Même si les écoles invitent parfois des Managing Directors ou des Partners, ce ne sont pas eux qui font passer les entretiens. Ils ne sont donc pas au courant de comment les entretiens se déroulent. Cela fait certainement 10 ou 15 ans qu’ils n’ont plus fait passer d’entretiens…

Pourrait-on assister à des rapprochements entre les acteurs ?

De plus en plus d’acteurs se lancent sur ce marché. Tous ne survivront pas. Il est toutefois trop tôt pour affirmer s’il y aura des rapprochements ou des fusions entre acteurs. Le marché n’est pas assez mature. Il faudrait attendre quelques années pour que certains acteurs se développent et envisagent de la croissance externe.

Cependant, beaucoup de personnes lancent ce genre de formations en étant encore en poste, histoire de se faire un peu d’argent. A mon avis, ils lâcheront assez rapidement vu la quantité de travail que cela demande. Comme je l’ai dit avant, proposer du contenu de qualité, nouer des partenariats et se faire connaître sont des activités à temps plein.

Trouves-tu que l’entrepreneur est soutenu en France, que ce soit en termes d’écosystème, de politique ou encore d’institutions ?

Je ne pourrai pas comparer avec d’autres pays mais je trouve que l’environnement en France est favorable à l’entrepreneuriat. La « start-up nation » n’est pas un mythe. Il y a pas mal de subventions pour les entrepreneurs accordées via la BPI, le bras armé des autorités publiques. Le système des incubateurs s’est également bien développé, tout comme les réseaux d’entrepreneurs.

Merci à toi pour cette interview !

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